INDO-EUROPÉENS
EUSKARA
Nº 8 – Les suffixes /*-en/ et /*-H1en/ :
  Pas toujours faciles à distinguer, ils fournissent des
  adjectifs secondaires d’appartenance ou de
  localisation :




  • ghm̥m-en, “terrien”, d’où “homme”,                    
  lat. homō, etc.

  • /*Hyu-H1en-/ “qui possède la force vitale”
  (véd. ā́yu) d’où lat. iuuencus “jeune” iuuenis
  « on devrait avoir *iuuincus » A. MEILLET 330   





Des formes thématiques correspondantes aux formes suffixées en /*-en/ :
  • les « adjectifs en // » à degré radical zéro      ⇒
  sont en tout point parallèles aux « adjectifs en
  /*to/ », dérivés secondaires de noms-racines à
  valeur possessive /*pl̥h1-nó-/ “plein” /*pl̥h1/
   “pourvu de choses déversées”.  En germanique
  forme en /*e/ono/, en slave /*eno/.






  • Le suffixe i.-e /-no/ sert à former des adjectifs
  secondaires possessifs de motivation pour le moins
  obscure : *lowks-no- “pourvu de lumière” (avest.
  raoxšana-, lat. lūna, “lune” * “la brillante”.      













  • De la valeur possessive de /-no/ est issue celle de
  “chef de” : lat. *dom-no “chef de la domus”.        
  A la lumière des faits basques, le suffixe /-no/ de
  l’i.-e. serait une métathèse de /ON/ “ayant”, par
   brouillage avec la désinence possessif de génitif :
   *dom-no ne signifierait pas initialement “chef de
  maison”, mais “celui qui a une maison” par opposition
   au vagabond, à l’étranger, qui n’en a pas ici. Surtout
   que la domus signifie l’ensemble des biens du groupe
   ou gens.






Germ. *genti-no- (got. kindins, gr. ἡγέμων (hēgemōn), “chef, guide” du verbe ἡγέομαι (hēgéomai) “marcher devant, aller en tête, guider,
être chef de”.
Il n’y a, certainement pas, de rapport étymologique entre germ. kindins et gr. ἡγέμων (hēgemōn), bien que l’un traduise l’autre.
 











• Une valeur d’action est conférée par /-no/ à        
des substantifs primaires : /*swep-/ “dormir” /*swépno-/, v. isl. suefn, lit. sāpnas, gr. ὕπνος, lat. somnus “sommeil”.

Cf. E. BENVÉNISTE, Origines 177-178 « génitif et féminin sont des modalités de l’appartenance ».
   Génitif en /–en/ en i.-e et bsq.
   Féminin en /–en/ en i.-e et dans ASTAIN bsq.
   et locatif bsq. /-N/.
/N/ sonante tombe facilement bsq. EURE(N) BERE singulier “de lui, sien”.
 
L’équivalent en i.-e. ghm̥m-en bsq. HUME/KUME “enfant”, produit de la terre, “homme”.
À noter bsq. GUHAME de Bohémien qui signifie dans le parler des gitans “homme”.
 
Ce deuxième suffixe /–cus/ mystérieux du latin que l’on trouve dans cupencus “prêtre d’Hercules” réputé d’origine sabine ou étrusque, M. 158, peut être rapproché du bsq. ADIN “âge” dérivé probable de *AIU-DIN suffixe de possession “ayant l’AIU, la force vitale” ADINE-KO “d’en force vitale/jeune”. Voir lexique AIUTA et BETI, skr. ayuvet “toujours”.

À ces suffixes /*-en/-no/ correspondent en euskera les formes génitives formellement proches /–EN/ et /ENE/, /ENA/ et /ENEA/ définies : MARTIKOENA, JAKESENA “(maison) de MARTIKO, de JAKES”, etc. Les suffixes sont les mêmes : ADINARENA “le fait de l’âge”, EDANARENA “le fait d’avoir bu”, etc, et les génitifs de simulation : UNTSARENA  “(faire comme) de celui qui se porte bien”, ASTOARENA “de l’âne = faire l’âne”.
Une autre désinence l’UNITIF, s’emploie dans les dérivations des possessifs : /-KIN/, HUTS-KIN “les produits de vidange” de /HUTS/ “vide”, BETEKIN “les choses qui emplissent”, BOTAKIN “déchets” de /BOTA/ “jeter”, etc. Lit. pilnes “plein” = BETER-REN.
 

D’autres suffixes de signification possessive existent, motivés en euskera ou motivables aisément.
IBAION “pourvu de cours d’eau”, de /IBAI/ “courant, fleuve” ; PIKUN “pourvu de bec” dit de l’animé dont la mâchoire supérieure dépasse anormalement l’autre.

Suffixe bsq. /UN/ON/ = “ayant” ( /U/ “avoir” UKAN)
/IL/ILA/ “lune” ILUN “pourvu de /IL/”, “la nuit” et non la transposition rapide de lat. /i/ privati ;f ilūna “sans lune”, “noire”. Le piège, à la vérité, est trompeur : même forme, même signification, en théorie. Car les nuits de nouvelle lune se disent “ILARGI GABEAK” et les nuits à ciel couvert “HOBIL” et “GOIBEL” (cf. sémit. LEILA/LAILA “lune”).


bsq. JAUNA emprunt probable : la racine de “maison” est pour le basque /HEM-/ ( HAM-U “bois”, HEMBOR “tronc”/germ. Zimerman “charpentier”). C’est probablement aussi la base de lat. domus, mais bsq. JAUNA procède de lat. d’Eglise, vocatif domne (?) “seigneur”.

Bsq. EGUN “jour” semble dériver de EKI “soleil” suffixé
/-UN/-ON/ “ayant”, “(le temps) pourvu de soleil”, faisant pendant à ILUN “(le temps) pourvu de lune”.
Mais le problème se corse par les alternances /EGUN/EGUR/ (EGURALDE), /EGUZ/ (EGUZKI). Les rapprochements possibles sont si nombreux qu’on s’en tient à la conjecture, invérifiable, de /*EKI-ON/, gr. ἔ-και-ον (ekaion) “brûlant”, rejeté vigoureusement par TOVAR & AGUD.
L’alternance EGUN/EGUR/EGUZ pourrait être une illusion ; le /R/ de EGURALDI peut n’être que phonétique : le /H/ de UHALDE/UHOLDE et le /Z/ de EGUZKI/ILUSKI qui semble apparaître dans /*luks/ (métathèse de sifflante?) lux, demeure problématique gr λευκος

• -Bsq. LAGUN “compagnon” offre une forme en apparence suffixée /-ON/, mais sans pouvoir déchiffrer le radical.

• (H)AZDUN “galeux” /HATZ/ “prurit” + /DUN/ ”ayant”

ASTUN “lourd” /HAZTA/ “poid ” HATZ (”pied”, ”extrémité de membre” + /TA/ (/-TUA/ désinence verbal d’achèvement), “comprimé” ; HAZTA-KATU “palper, explorer”.

ERHAZTUN “bague”, litt. /ERHI/ “doigt” + /HAZ/ “signe, marqueur” + /DUN/.

bsq. IRABAZ “gagner, vaincre” IRABAZTUN “vainqueur”, EROS “acheter” EROSTUN “acheteur”, le suffixe ici est transparent /–DUN/ “l’ayant”, bsq. JOS “coudre” JOSTUN “couturier(ère)”.