AMA “mère”, à la base peut-être
du verbe bsq. MAITA-TU, lat. amo,
-āre “aimer”, du nom
de la déesse-mère bsq. AMAIA, gr. Μαῖα
(Maĩa) “petite mère”, lat. Māia,
divinité italique, identifiée avec le temps avec son homophone
grecque. AMA rentre dans la catégorie des “termes universels” [*]. Pour l'étymologie de AMA, il a généralement été convenu qu'il s'agit d'une dérivation des formes romanes hemme, hemna, etc., héritières de lat. fēmina. A. MEILLET, 224 : « “femelle, femme” par opposition au mâle. Ancien participe en /-mena/, substantivé, mais dont l'emploi comme adjectif est bien attesté. Plt., Mi., 489, non... me marem... sed fēmina esse ; T.-L. 31, 12, 9 incertus infans... masculus an fēmina esset. » Exemple : agnus fēmina/agnus mās, fēmina bōs, musca fēmina, etc. Il convient cependant, de noter que la notion de “mère”, de l'i.-e /māter/, skr. mātar, gr. μήτηρ (mḗ́tēr), lat. māter, v. irl. máthir, v.h.a. muotar, v. sl. mati, lit. móti, comporte plusieurs “fonctions”, au moins dans le grec et le latin : 1) la fonction sociale et religieuse “mère”, exprimée par les formes ci-dessus citées, et qui concerne les humains, mais aussi les plantes et les animaux ; elle s'applique tout spécialement à la māter familias et aux déesses ; 2) la fonction affective et nourricière, sur la base expressive ma-, cf. gr. μαμμη (mammē) “maman”, la forme hypocoristique familière μαῖα (maĩa) construite sur le radical /µa-/ (ma-) “mère” et suffixé /-ῖα/ (-ĩa), soit “petite mère”, “mère (de l'enfant)”, “grand-mère”, “sage femme”, etc., qui a donné le verbe μαίευσθαι (maieusthai) “mettre au monde, être sage femme”, l'adjectif μαιευτικός (maieutikós) “relatif à l'accouchement”, le substantif μαίευτικη (maieutikē tekhnē) “art d'accoucher quelqu'un” ; cf. lat. mamma “maman, grand-mère, nourrice” et “mamelle” mamilla “mamelle”, amma “maman” amita “sœur du père” ; 3) la maternité physique, racine i.-e. /*gene-/*gne-/, cf. gr. γιγνομαι (gignomai) “mettre au monde”, “naître”, lat. geno, -ere, ancienne forme de gigno, -ēre “engendrer”. Le Robert, Dictionnaire historique de la langue française, éd. 1998, T II, 2011, s/MAMAN, 2095 S/MAI et MAÏEUTIQUE, 2203-2206 S/MERE. La forme bsq. AMA trouve des correspondants proches dans gr. μαμμη (mammē) “maman”, µa- (ma-) “id.” de μαῖα (maĩa) “petite mère”, et lat. mamma, amma “maman” qui ont à voir avec “mamelle”. Le morphème /fē-/ de lat. fēmina correspond à gr. /θη-/ (thē-) ; gr. θήλη (thḗ́lē) “mamelon”, θηλυκόν (thēlukón) se traduit par lat. fēminīnum (genus) = “genre féminin”, comme ἀρσενικόν [**] (arsenikón) par masculīnum = “genre masculin” : fēcundus “fécond”, fēlix “qui porte des fruits, fécond”, filius “fils”, fēlo (fēllo, -āre) “téter”, etc., se rattachent à la même racine. A. MEILLET, 223 : « Une racine /*dhē-/ “téter, sucer, traire” [bsq. DEITZ-I/JEITZ-I “traire”] est représentée d'un bout à l'autre de l'indo-europén : irl. denim “je tète” ; v.h.a. tāen “sucer” ; hom. θῆσθαι (thēsthai) et θήσατο (thḗsato) “sucer, traire” et τιθήνη (tithḗnē) “nourrice”, γαλαθηνός (galathēnós) “qui tète le lait” ; véd. dhā́tave “pour téter” ; skr. dhātrī “nourrice”... fēmina est le reste d'un participe présent moyen d'un présent radical /*dhē-/ et signifie littéralement “qui allaite” (pour la forme, cf. alumnus [= “donné à manger”, soit “nourrisson”]). » Le bascophone reconnaîtra aisément dans ces formes : *dhē-t : I/J AT- “manger” ; gr. τιθήνη (tithḗ́nē) bsq. DIT-I “mamelle” ; gr. θῆσθαι (thēsthai) bsq. DEITZ-I “traire” ; pour lat. alo, -ere “nourrir” : bsq. ALA “pâturage” ; pour le participe (grec) en /-μενο/ (-meno) /-μνο/ (mno) lat. /-mnus/-mena/ : (E)MAN “donner”, parfait (E)-MANA, cf. la vieille berceuse basque : « HAURTXO TXIKIA NEGARREZ DAGO Nous avons peut-être un exemple parallèle éclairant avec bsq. ERROI “freux”, “emprunt” au francique*hrōk, v.h.a. hruoc, car la proposition de LHANDE, 272 : 1º “corbeau, corneille” ; 2º “freux, corbeau qui niche dans les rochers”, ne nous convainc pas. Le Larousse donne pour freux « (de hruoc anc. haut all.) corbeau vivant en bande (corbeautières) dans le nord de la France. » Nous avons entendu par ERROI -quant à nous- “un grand corbeau, noir, y compris son énorme bec, au cri d'appel caractéristique et qui n'est pas le grand croassement”. LHANDE ou son informateur a pu penser à bsq. ERROITZ “précipice, ravin”, sites effectivement hantés par des corvidés, mais à notre connaissance il s'agit de BELATZAK “corneilles” et non de “freux”. Précisons que les acceptions de ces dénominations d'un parage à l'autre, en l'absence du recours à la classification conventionnelle, comme en botanique. Donc freux ï hrouoh = irl. cru = gr. κοραξ (korax), κοραφος (koraphos) = lat. coruus “corbeau” crōcio, -īre = κρώζω (krṓzō) et κράζω (krázō), rus. kruk, got. krūk, lit. krokiu et kraukiū “croasser, crier” = bsq KARRANKA... encore que gr. κραυγή (kraugḗ) “cri”, serbe surāka “corneille”, cast. urraca “pie” -sensé avoir donné bsq. URRAKA “id.” (corvidé aussi)-, se soient vus attribuer une racine /*krowos/, pour un groupe, et /ceruus/, pour l'autre, E. MEILLET, 145. Bsq. KARRANKA est un composé notoire et peut expliquer ces formes, comme des dérivés à quelques réductions régulières ou haplologies près. Mais ERROI ne paraît pas pouvoir être une dérivation de type euskérique à partir de KARRANKA ; il y a eu des interventions probables d'autres dialectes... et “retour”. Ainsi en a-t-il été probablement de *dhētmena fēmina hemna femme = EMA ?? Alors qu'on dit en 2007, pour allaiter : TITI (E)MAN... [*] Cf. M. MORVAN, Les origines linguistiques
du basque, 122-123. |
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