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TROISIEME PARTIE
3 - La SYNTAXE DE LA PHRASE COMPLEXE de l'indo-européen,
essai de comparaison avec les équivalents de l'Euskara

Pour mémoire, ont été traitées plus haut : LA COMPOSITION (1A + 1B + 1C)
et LA SYNTAXE DE LA PHRASE SIMPLE (2A + 2B + 2C)

 3 - LA SYNTAXE DE LA PHRASE COMPLEXE
   3-A - PASSAGE DE LA PHRASE SIMPLE A LA PHRASE COMPLEXE
   3-B - HYPOTAXE ET CORRELATION
      • La diversité des thèmes relatifs
      • Le parallèlisme de l'évolution des relatives
      • La structure textuelle initiale
      • Anciennes relatives non corrélatives
      • Les conditionnels

(pour l'indo-européen reconstruit, cf. J. HAUDRY, l'Indo-européen, PUF, 1979)

Il s'agit des mécanismes et des règles par lesquelles les unités significatives se combinent en phrases. Une succession de phrases simples n'aboutit pas automatiquement à la phrase complexe qui comporte des relations entre phrases simples, lesquelles s'ordonnent par des liens d'interdépendance pour créer le discours ou le texte.

L'étude des signifiants de la corrélation entre phrases simples permet d'ouvrir des voies vers la reconstruction d'un système, qui n'a pas laissé de traces directes, jusqu'à notre phrase complexe actuelle : la recherche étymologique peut permettre la reconstruction de l'ordre des constituants de la phrase complexe d'origine. Les structures simples ont fait l'objet de réorganisation, de renouvellement et, le plus souvent, de réduction (J. HAUDRY, op. cit., 111).

Bsq. ENEKILAKO DENBORA LUZE IDURITZEN ZAIZU “[il est l'aube, dites-vous] le temps (que vous passez) avec moi [/NI/ + sociatif + complétif + génitif de provenance] vous semble long [vous n'avez point d'amour]” (chant traditionnel).

ENEKILAKO est un adjectif long issu d'un syntagme, lui-même issu d'une phrase relative (/LA/ particule complétive).

A - PASSAGE DE LA PHRASE SIMPLE A LA PHRASE COMPLEXE

Un syntagme fait d'un substantif et, par exemple, d'une forme nominale du verbe tend vers le statut de proposition subordonnée : proposition infinitive :

• latin videō eum intrāre “je le vois entrant (infinitif locatif)” et bsq. SARTZEN (locatif-inessif) gérondif IKUSTEN DUT “je suis en train de le voir entrant” = “je le vois entrer”.

• latin mē præsentē “avec moi présent” (instrumental) “alors que j'étais présent” (participe absolu) et bsq. NI BERTAN IZANKIZ (/KIZ/ sociatif-instrumental) “alors que j'étais là”.
 
B - HYPOTAXE ET CORRELATION

Il s'agit de l'explication d'une dépendance entre deux phrases articulée par une particule de subordination ou de coordination qui se révèle complexe à l'analyse.

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Les conjonctions de subordination son issues, pour l'essentiel, du pronom-adjectif relatif dont elles sont les formes fléchies :

Ø Lat. quod, neutre singulier de quī “parce que”, particule coordonnante ou subordonnante, introduit une explication ou une proposition complétive.

Ø Lat. quia neutre pluriel de quī , d'abord interrogatif, puis particule causale “parce que”.





Ø Lat. quod et quia sont fléchis de désinences. La flexion de cas direct, accusatif, des deux particules latines convoyant l'idée de directif-cause (pour laquelle chose = relatif) est rendue en euskera identiquement par la postposition /-KOZ/-KOTZ/ (génitif de but + instrumental) : ERORI DA ZUHAMUA, EBAKI DUTALA-KOTZ “l'arbre est tombé, parce que je l'ai coupé” ; DUTALAKOTZ ï /DUT/ “j'ai” + /A/ pronom anaphorique + /LA/ particule complétive + /KO/ génitif de but + /-Z/ instrumental. La particule subordonnante résulte de la réduction d'une phrase à deux relateurs : /A/KO/.
 
 
1 - LA DIVERSITÉ DES THÈMES RELATIFS

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Le relatif des diverses langues indo-européennes n'est pas bâti sur le même thème
Les divers thème de relatifs ont aussi d'autres fonctions:

  Thème /*yo-/ pour les relatifs indo-iraniens, grecs, phrygiens, slaves et cetains relatifs celtes.
Mais /*yo-/ a d'autres fonctions, notamment celle d'“article”, que certains considèrent ancienne;
  Thème /*kwo-/ et /*kwi-/ pour le latin, balte, hittite, arménien.
Mais ces deux mêmes thèmes sont ceux de l'interrogatif et indéfini, cf. indo-iranien /*ka-/ et /*či / ;
  Le relatif germanique est tiré de /*so/*to/, ð
anaphorique par ailleurs, mais dont l'emploi chez Homère est proche du relatif.
Aucun de ces relatifs historiques ne peut être projeté en indo-européen.
Ø En euskera, les thèmes /*yo-/ et /*kwo-/ /*kwi-/ sont rendus par :
  1. la subordination anaphorique complexe /A-LA-KO-Z/ (voir supra) ;
  2. le préfixe /BAI/, accollé à l'auxiliaire ou au verbe fort, qui formellement semble être une particule de coordination simple ou adversative, suivant le contexte, mais subordonnante dans cet emploi ;
  3. le relatif anaphorique /-a/, qui peut être suivi de désinences casuelles diverses (inessif, directif, etc.).
ð Peut-être l'équivalent du relatif germanique réside, en basque, dans la particule interrogative /ZOEN/ “lequel ?”, mais parfois employée en pronom adjectif relatif indéfini, appuyé par la particule /BAI/ préfixée au verbe : ZOIN KONZEBITU BAIZEN MARIA BIRJINA GANIK “lequel fu conçu en la vierge Marie”.
 
2 - LE PARALLÈLISME DE L'ÉVOLUTION DES RELATIVES

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Quelles qu'en soient les morphologies, l'évolution qui conduit aux diverses structures relatives est partout la même. Partout la structure initiale est le diptyque normal : forme de corrélation dans laquelle la future subordonnée précède la        ð
future principale. C'est la forme normale dans la prose védique et en grec homérique
  Que le relatif ait une origine interrogative ou indéfinie, l'ordre des constituants sera partout le même, c'est :
  1. Soit « qui ? ... celui-ci »
  2. Soit « quelqu'un ... celui-là »

La principale est introduite par un anaphorique résomptif.
 
La phrase complexe du germanique a été bâtie
sur une corrélation d'anaphoriques indifférenciés, du type de français tel père, tel fils, dont le premier est devenu le relatif.                         ð

L'antéposition de la subordonnée est attestée aussi dans toutes les langues dont le corrélatif se révèle, par son étymologie, un résomptif, cf. gr. αὐτός (autos) “encore lui”, “lui à son tour”.







Dans les langues indo-européennes classiques et modernes, il y a inversion du diptyque.

Enfin, le relatif fonctionne comme adjectif épithète du substantif présent ou représenté dans la principale.




ð Il semble que l'ordre soit celui que l'on rencontre très fréquemment dans les proverbes d'Oyhénart (XVIIème S.)
ADIXKIDE EGIK EZ BEHAR DUANEAN, BANA BEHAR DUANEKO “fais des amis non pas lorsque tu en as besoin, mais pour lorsque tu en auras affaire” :
  1. principale
  2. subordonnée
mais l'inversiondu diptyque s'observe aussi :
ALABA ZORHI DENEAN EZKONTZEKO, EZTA ERRATZ BEGIRATXEKO “quant la fille est mûre pour être mariée, la garde n'en est pas aisée”:
  1. subordonnée
  2. principale

  Cette souplesse de position de la subordonnée s'explique par l'utilisation d'un lien de subordination : /AN/ relatif + inessif
  Lorsqu'il n'y a pas de marqueur de subordination, la position (en première position) de la subordonnée semble contraignante :
AITA KARRAK ARTO “père donner pain”
KARRAK GAKO UKANEN DUK ARTO “donne clef tu auras pain”
ZER GAKO ? -ERREGEREN GAKO “quelle clef ? -clef de roi”
ERREGE EMAK GAKO -EMAK LUMA UKANEN DUK GAKO “roi donne clef -donne plume, tu auras clef”
ZER LUMA ? -BEL LUMA “quelle plume ? -plume de corbeau”
BELE EMAK LUMA -EMAK HERTZE UKANEN DUK LUMA “corbeau donne plume -donne (de la) tripe tu auras plume” ; etc.

ð NOR BERA NOLAKO, BESTEAK USTE HALAKO “comme on est soi-même, de même les autres pense-t-on”, mais la relation de subordination y est explicitée :
NOLAKO ? “comment ?”... HALAKO “de cette façon là”
BATEKO DENA, BESTEKO “qui est pour une (indélicatesse), l'est pour l'autre” = “qui vole un œuf vole un boeuf”, relatif anaphorique /-A/
  2. subordonnée
  1. principale

Le basque classique continue l'ancienne forme du diptyque : AXULAR : DAKIENAK BERRA “que celui qui sait parle” = “qu'il parle puisqu'il sait” (XVIIème S.).
 
3 - LA STRUCTURE TEXTUELLE INITIALE

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La structure textuelle initiale commune se         ð
retrouve dans les documents hittites : 1º un élément est présenté dans une phrase ; 2º la phrase suivante le reprend et le commente : “Puis un certain... alors ; lui... alors ; lui ... etc.”.

Ainsi va l'énoncé de topique plus ou moins commun en topique commenté. Le diptyque est la forme binaire de cette structure, mais des structures plus longues sont possibles. C'est à partir du diptyque que la phrase s'est renouvelée.
ð C'est la forme du conte populaire traditionnel, cf. les recueils de BARBIER, des chansons et romances anciennes :
  1. EZ DITA NIK PENA HANDIA “n'ai-je pas un grand chagrin”
  2. ENTZULERIK ÜKEN GABIA “le fait de manquer de confident”
  3. JÜRATÜ DINAT FEDIA “j'ai engagé ma foi”
  4. DOLÜTÜREN ZAIT MAITIA “je (le) regretterai (mon) aimée”
  5. ENE BEHATÜ GABIA “le fait de ne m'être pas écouté”
  6. GALTÜ DINAT LIBERTATIA “j'ai perdu la liberté”.

(2) est complément de (1) ; (4) et (5) sont complétives de (3) ; (6) est la principale de toutes les autres... mais rappelle le premier syntagme de la strophe précédente ARRANUAK BORTI-ETAN “les vautours en hautes terres (volent haut = liberté)”.
 
4 - ANCIENNES RELATIVES NON CORRÉLATIVES

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Comme preuve qu'il ne s'agit que d'un renouvellement formel dans la constitution de la phrase complexe, on a d'anciennes relatives zéro dans des composés possessifs :
*nérs su-ékwōs “des hommes aux bons             ð
chevaux” = “des hommes (dont) les chevaux (sont) bien”.
  De même, l'absence d'accord en genre des adjectifs composés grecs est un vestige du statut originel de la phrase.
  L'évolution se fait dans le même sens que pour l'adjectif long baltique et slave.

Cette structure est toujours productive, comme le français elliptique : “il a plusieurs fusils” = “il a des acolytes armés de fusils”.
ð GIZON ODOL BERO(A) “homme (au) sang chaud” = “homme (dont) le sang (est) chaud”, HAUR KASKO TXARRA “enfant (à) la mauvaise tête”
 
5 - LES CONDITIONNELS

Ce sont des conjonctions introduisant le mode de la phrase que le locuteur ne prend en charge que partiellement ou qui n’est présentée que comme une éventualité soumise à une condition.

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  Les conditionnels occupent une place à part dans la syntaxe de la phrase indo-européenne. Le corrélatif en est facultatif ou variable en indo-iranien et en germanique ; cf. avest. (h)yaṯ, yedi, yezi ; got. j̊abai.
  Ailleurs la conjonction est souvent un adverbe dignifiant “ainsi” (lat. , ancien sei, et = sīc) “alors” ou “là”, gr. εἰ (ei) locatif singulier du pronom /*e-/o-/.
  Il est nécessaire re réinterpréter le sens de la composition par rapport à son sens actuel. Lat. quiesce si sapis “tiens-toi tranquille, ainsi tu es sage” ð “... si tu es sage”.
  En osque svai, ombr. sue, v. isl. suā “ainsi”.
Le « si » de l'interrogatif indirect est rendu en basque par /HEIAN/EIAN/ “allons, voyons”, “si”, à comparer à gr. εἆ, souvent écrit εἷα (heia), signifiant “alors, va”.
• Bsq. /EI/, en incise entre auxilié et auxiliaire, exprime la conjecture : IKUSI EI DU “il l'a vu paraît-il”, ou antéposé au verbe fort EIDAKI “il le sait, paraît-il”, à rappprocher de gr. εἰ (ei) “si”, et interjection dans un appel, un souhait. Cf certaines survivances d'optatif du bsq., AILIOA ! “puisse-t-il s'en aller ! ”
• Bsq. /BA(I)-/ préfixé au verbe (auxiliaire ou verbe fort) auxilié par /AHAL/ “pouvoir” : BALU ï /BA(I)/+ /AHAL/“pouvoir” + /U/ “avoir” = “s'il avait”
• Bsq. BALDIN (BERDIN) “même” renforce la conjonction de conditionnalité : BALDIN BA(I)LOHA “même s'il s'en allait = même s'il pouvait s'en aller”.
• /ARREN/HARREN/ fait de même “alors”, “alors la”, pourrait être un locatif-inessif de /HUR/ équivalent à lat. is et i.-e. /*e-/o-/ ?
 
    En conclusion, l'énoncé corrélatif qui a fourni les nouveaux subordonnants correspond au diptyque normal : topique suivi du commentaire, type hittite. Le relatif évoluant vers les emplois anaphoriques (cf. les “relatives explicatives”), l'énoncé anaphorique parallèle à l'énoncé relatif s'est développé, on le voit dans Homère avec “l'article en fonction de relatif”. C'est la règle canonique de l'euskera qui utilise l'anaphorique même sur adverbe :

  TA BIHOTZA NAIGABEZ BETE DIDAZU ESKER-GABE-A
« et tu m'as empli le cœur d'amertume (toi qui es) dépourvue de reconnaissance” = “ingrate”», l'article, en fonction de relatif, suffixe l'adverbe /GABE/ “sans”.

GAUR IZANIK MAITE ASKO DITUTZUNA
« hoy te sobran muchos hombres que te quieran »
« bien qu'aujourd'hui tu sois celle qui a beaucoup de soupirants »
(traduction populaire d'un chant mexicain qui fut attribuée, à tort, à l'auteur de ces lignes).