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DEUXIEME PARTIE
3 - Les formes nominales du VERBE :
Participes et Infinitifs de l'i.-e., essai de comparaison
avec les équivalents de l'Euskara

    3-A - LES PARTICIPES
         LES ADJECTIFS ...
         • en /-to-/
         • en /-nt-/
         • en/-mno-/
         • en /-wes-/
         • POSSESSIFS

    3-B - LES INFINITIFS 'SUPINS, GERONDIFS ...)     
         • DEFINITIONS
         • LES THEMES DES INFINITIFS

A - LES PARTICIPES

Ce sont des formes dérivées des racines verbales et classées parmi les modes impersonnels, qui ont subi des modifications par l’adjonction d’un suffixe.
A.1 - LES ADJECTIFS EN /*-to-/

Nous avons vu ce suffixe dans la dérivation flexion du verbe, voir supra. En i.-e. il est considéré comme un dérivé possessif : /*klu-tó/ “pourvu de gloire”/bsq. GAL-AROTS-TU “qui a reçu charivari”, “qui a été charivarisé” (/klu-/, th. II, /GAL/, th. I). Ces adjectifs fonctionnent comme participes passifs et moins souvent comme actifs, dans la plupart des verbes i.-e. Lat. pōtus “qui a bu” actif/ bsq. EDAN-DA “qui a bu” et “qui est bu = ivre”, véd. ga-tá “allé”/bsq. (L) GA-TU “allé”. Ce suffixe a un doublet en /*--/ dans les langues i.-e. ; /-ON/-UN/ en basque, où il peut se transformer en pronom anaphorique par adjonction de /-A/ pronom et article défini postposé, c’est du reste la forme canonique du relatif. Sens possessif de /*--/ lat. Velthurna “vautour”, l’oiseau du dieu Vel ; lat. uolpīna “faire le coup du renard, fourberie” de uolpes “renard” ; viperinus, etc.
 
A.2 - LES ADJECTIFS EN /*-nt-/

Suffixe très proche du précédent ; en anatolien fonctionne comme participe passé pour les transitifs, et actif pour les intransitifs. Ailleurs il a une valeur active, mais subsistent quelques traces de la valeur passive ; lat. gignentia “les créatures”/bsq. ZEZEN/XEXEN(A) “taureau”, “qui engendre” (n’est plus du tout perçu dans ce sens), cf. skr. jajā́na et grec parfait γέγονα (gégona) “il a engendré”.
Lat. ēvidens “qu’on voit, évident” ; l’équivalent est rendu en euskera par la forme inessive AGERIAN ou le gérondif AGERTZEN ; DIZTIRAN/DIRDIRAN “qui brille”, c’est un inessif formellement, et DIZTIRA/DIRDIRA “brillant” et “éclat, brillance” á la fois, mais la formule populaire influencée par les langues romanes → DIZTIRANTA, épiclèse de la Vierge Marie, dans le culte catholique. DIRDIRA procède de DARDAR, DERDER, DURDUR, onomatopée du claquement des dents → “trembler” et employé pour la lumière qui scintille sur l’eau, le sable, etc., avec redoublement pur DIRDIRA ou dissimilé DIZTIRA ; cf. skr. distria “Sirius”, “étoile du chien” (var.), gr. ἀστήρ (aster) “astre, étoile”, d’un radical i.-e. /*ster/ attesté aussi en skr., celt., germ., tokh., et avec la variante /*stel/, en lat. stēlla “étoile”. Le rapprochement avec le suméro-babylonien Ištar (Vénus) est jugé « invraisemblable » par Chtr. 129.
 
A.3- LES ADJECTIFS EN /*-mno-/ (ou /*-mH1no-/?)

Suffixe qui pose problème aux indo européistes. Partenaire médio passif de /*-nt/, là où celui-ci fonctionne presque exclusivement comme actif. On le trouve dans les participes grecs, dans les infinitifs grecs en /-μεναι/ (-menai) ; lat. alumnus, fēmina (voir supra à la dérivation par suffixe des noms). Le bsq. MANA/EMANA “donner” et “recevoir” répondant, semble-t-il, à gr. νέμω (némō) “attribuer selon les règles, répartir suivant les convenances” → νομαδίαι (nomadiai) “pâturages, steppes”. Avest. nəmaḥ- “prêt”/bsq. MAI-LEGU “prêt”.
 
A.4 - LES ADJECTIFS EN /*-wes-/

Ce suffixe sert à former le participe parfait actif. Se limite, comme /*-mno/, principalement à la formation du participe. Leur valeur d’origine est possessive. Cf. bsq. HAUTEMAN(A) “appréhendé, perçu”, HITZEMAN(A) “promis”, HATZEMAN(A) “pris” ou “ayant pris”, OHITEMAN(A)“remémoré”, etc. Pour l’euskera ce sont clairement des composés.
Et pour l’équivalent en /*-wes-/ on pense à /-SU/-ZU/ avec métathèse vocalique (?) GARSU “fervent” de /GAR/ “flamme”, SUTSU “passionné” de /SU/ “feu”, EURIZU “pluvieux”, ZORRIZU “pouilleux”, XEHEZU “constitué de petits calibres” de /XEHE/ “coupé menu”, HARRISU “mur de pierres sèches” de /HAR/ “pierre”.
Cette valeur possessive serait illustrée par l’observation de W. P. SCHMID, cité par J. HAUDRY, L’indo-européen, 82 : « les noms de quatre cours d’eau d’Europe, Varantia (*-nt-), Varmena (*m(e)no-) [patronyme Pampelune URMENE-TA], Varusa (*-w(e)s-) [village de BN sur la Nive ARROSA], Verna (*-no-) [patronyme ALTX-URRUN “le ruisseau aux aulnes”, possiblement, de /HALTZ/ “aulne”] ».
La base de ces noms étant partout l’“eau” : /*wer-/, véd. vā́ri, et bsq. /HUR/UL/ en composition parfois, et /l-/ dans des dérivés: LIZUN “mouillère”, LOHI “vase”, LAMINA “nymphe”, etc., le sens des quatre dérivés ne peut être que “qui a de l’eau”.
 
A.5 - LES ADJECTIFS POSSESSIFS

Leur valeur va de la possibilité à la nécessité et à l’obligation.

Plusieurs sont formés à partir du datif du nom verbal, en /*-yo-/ → gr. ἅγιος (hagios) “à vénérer”, lat. eximius “remarquable”. Le suffixe procède de dérivé thématique d’une forme d’infinitif datif, véd. -dŕ̥s̀-y-avivendus”.
En euskera, l’adjectif verbal prospectif rapprochable de /*-yo-/ (voir supra) est en /-KO/ (désinence de prolatif ou génitif de but) correspondant à angl.-sax. /to/ et à lat. /*-do/ → quoan-dōquandō (fal. cuando) ; cf. lat. dō-nec “jusqu’au moment où” : bsq. ETHORTZEKOA “qui doit venir”, le /A/ final est un pronom article. EGITEKOA “à faire” et le substantif désadjectival “devoir”. D’autres formes pour exprimer le prospectif : ETHORTZEAR, EGITEAR dont l’interprétation peut être ambiguë :

/-AR/ d’une désinence tronquée de datif /-ARI/ (cf. gr. en –menai), qui en dialecte de BN s’emploie dans les datifs pluriels HAURRER “aux enfants” ;
/-AR/ d’un verbe être /AR/AR-I/ ? “être à faire” ?

Des composés, originellement adjectifs verbaux, entendus comme substantifs : BEDAR “plante”, de /BE/ “être, exister” + /T/ + /AR/ signifie gr. φύτον (φύομαι, φύω) (phuomai, phuō) “faire pousser, faire naître, produire”), cf. bouture, botanique, etc. BEDAR “qui va pousser”. Le composé de deux verbes BEHOR “jument” alias “la porteuse” = lat. forda signifie “qui va mettre bas”.

Des composés très nombreux avec “suffixe” /-GARRI/: NEGAR-GARRI “déplorable”, BELDUR-GARRI “effrayant”, LOTSA-GARRI “déprimant, déshonorent” de /*GAR-/ verbe archaïque qui ne se trouve qu’en composition.

 
B - LES INFINITIFS (SUPINS, GERONDIFS, etc.)

B.1 - DEFINITION

C’est la forme nominale du verbe exprimant l’état de l’action, sans marque de nombre ni de personne. Il peut assumer dans la phrase toutes les fonctions du nom. Son statut syntaxique ne se confond pas avec celui des noms, mais dans le cas du basque, il en est très proche.
Les formations d’infinitif en i.-e. sont si nombreuses et si diverses, même entre dialectes étroitement apparentés, qu’on ne peut construire un infinitif indo-européen. Il s’agit, le plus souvent, de formations très archaïques

Le supin est un infinitif le plus souvent directif : bsq. HANDITZEZ et HANDITUA-Z (/Z/ désinence d’instrumental) = “pour grandir” face à HANDITZEKO “id.”.
Le gérondif (ou absolutif) est un infinitif instrumental en i.-e. ; le bsq. en a deux formes :

1) HANDITZEAN (inessif) “en grandissant”, dont le sens est instrumental, ou HANDITZEAREKIN (unitif) “avec le fait de grandir” ;
2) HANDITZEN, qui n’est pas vraiment décliné, et qui correspond à la mention du procès (cf. gr. φιλέιν (philein) “aimer”, πυδαρίζειν (pudarizein) “ruer”, σκαζειν (skazein) “boîter”, etc.). JATEN ARI NAIZ = cast. estoy comiendo, angl. I’m eating.
 
B.2 - LES THEMES DES INFINITIFS

INDO-EUROPÉEN
EUSKARA
Deux catégories :
• des formations de noms d’action qui sont
en continuité synchronique avec les noms d’action ;
• des formations spéciales, archaïques, donnant l’infinitif formel.

➣ Il y a des FORMATIONS COMMUNES aux infinitifs formels et aux noms d’action :

 
Le nom-racine, lat. agī  infinitif
médio-passif = véd. -áj̊e “pour pousser”    ⇒
   
/*-tu-/,
véd. A. –tum, D. –tave, G., Abl. –toḥ,     ⇒
  I. –tvā “gérondif” ;
Balt. et sl. *-tum, v. prus. –twei,             ⇒
Lat. –tum, D. –tuī, I. et Abl. – “supin” ; ⇒
/*-ti/, v. irl. *-tayay.
   
LES FORMATIONS LIMITEES AUX INFINITIFS :

 
/*-w-/, goth. dāvoī “pour donner” ← /*deH3-w-ey/; vīdunyē “pour savoir” /*wid-w-ey/ ;
/*-t-/, gâthique ītē “pour aller” ← /*i-t-ey/ ⇒
/*-̾, /*-tey/ ; balt. et sl.
/-wen-/, véd. dāváne, gr. cypr. δοϝεναι “pour donner”, hitt. –wan et –wanzi ;
   
/*-sen-/, véd. –sani, gr. –ειν ← /*-esen/   ⇒
   
CAS utilisés DANS LES INFINITIFS i.-e. ⇒

 
L’accusatif directif donne un supin, complément de but des verbes de mouvement, lat. eō lūsum “je vais jouer”
Indo-iran., balt., sl., lat. sur /*-tu/            ⇒

 
Le datif, largement représenté à
l’infinitif, donne des infinitifs prospectifs   ⇒


 
Plusieurs infinitifs i.-e. reposent non pas sur le locatif ou sur le datif, mais sur un plus ancien datif locatif. L’exemple remarquable est celui du latin infinitif de narration qui est un emploi typique de locatif : omnes clāmāre “tous (étaient) en train de crier” = omnes clāmābant.
À côté de ses emplois de datif, dare bibere “donner à boire”.
Les formes en /*-r/ et en /*-n/ sont d’anciens locatifs (comme les thèmes en
/*-r/*-n-/), en valeur de gérondifs.

 
 
LES FORMES SANS DESINENCE comme les infinitifs grecs en /-ν/ (-ειν, -μεν) et les infinitifs gâthiques en /-ō/ posent un problème quand leur valeur est celle d’un infinitif datif. Ce serait dû (J. HAUDRY, op. cit., 85) à une désinence précédente de datif valant par récurrence, suivant l’ancienne syntaxe des désinences: Y. 51, 9 rāšayeŋ́hē drəgevan-təm savayō ašvanəm “pour détruire le méchant, (pour) sauver le bon” où l’infinitif sans désinence savayō équivaut à un infinitif datif *rāšayeŋ́hē, par récurrence de la désinence de l’infinitif précédent.

INFINITIFS INSTRUMENTAUX EN /*tu-/
Supin lat. en /-/ :
  dictū opus est “il est besoin de dire”           ⇒
• Les absolutifs védiques en /-tvā/, exprimant
  ◊ la concomitance, hatvā́ “en frappant”, ⇒
  ◊ l’antériorité, hatvā́
    “après avoir frappé” est une innovation ; ⇒
Infinitifs instrumentaux,
  les adverbes grecs type ἀνωιστī́
  (anōistī́) “de manière inopinée” ;             ⇒
• Les infinitifs génitifs en /*-tu/ aussi :
  véd. ī́s̀e dā́ toḥ “il est maître de donner” ⇒
• et ablatifs, lat.
  opsōnatū redeō “je reviens du marché”    ⇒

• joints à l'accusatif directif                       ⇒
• et au datif, ils constituent un paradigme    ⇒
  de substantif verbal,          
  auquel il ne manque que le nominatif.         ⇒
Pour répondre aux formes i.-e., on est amené à regrouper “infinitifs” et “participes” basques.
La grammaire de P. LAFITTE distingue deux infinitifs :

L’infinitif radical : idée verbale sans suffixe,
L’infinitif nominal, suffixe /-TE/-TZE : nom verbal, correspond aux infinitifs gérondifs de l’i.-e.

Le “participe” du bsq., sorte d’adjectif verbal, actif et passif de sens à la fois, en suffixe /-TU/ est formellement identique aux infinitifs supins indo-européens. Un bon nombre de verbes font leur participe sans /-TU/, en radical nu ou suffixés /-I/

Nom-racine : JAN “manger”, JIN/GIN “venir, naître ; avec /-A/ déterminant JANA :
1) “nourriture”, 2) “mangé” ; JANEZ “gérondif instrumental” ; JATERAT “supin directif ; JATEKO “supin prolatif” = angl. to eat.

⇒ HAN-TU “gonfler” (cf. skr. áni-ti “souffler”, gr. ἄνεμος (anemos) “vent”, lat. animus).
⇒ Gérondif instrumental : HANTZEZ/HANTZEN.
⇒ Supin directif HANTZERAT, supin prolatif HANTZEKO, supin datif HANTZEAR(I), supin instrumental HANTUZ/HANTUAZ.

L’équivalent du participe verbal fr mangeant se dira par un gérondif déterminé à l’inessif JATE-A-N, fr. gonflant HANTZE-A-N. Le participe adjectif se rend par un dérivé nom déverbatif : racine verbale suffixée /-LE/-ARI-/-TARI/, etc.

Impossible de distinguer l’infinitif verbal hypothétique : racine nue, dont l’emploi se limite à l’impératif impersonnel ou auxilié, aux subjonctif, potentiel, éventuel, optatif, auxiliés de l’infinitif nominal. Les deux se déclinent et se doublent.
⇒ JUAITEZ (instrumental) “pour aller” = supin ;
    JUANEZ (instrumental) “en allant” ;
    JUANEAN (instrumental) “dans l’en allé”.
Et dont le paradigme de la flexion nominale est agrémentable d’infixations de désinences intermédiaires à aspect de parfait, d’éventuel, de futur.

⇒ Le correspondant basque de ce suffixe semble être /-TEN/-TZEN/ d’infinitif gérondif (voir supra).

⇒ Les correspondants bsq. sont l’adlatif, le prolatif, l’instrumental supin, et ce, avec tout verbe pourvu d’un complément de but.

⇒ Bsq. idem : /-TUZ/, /-TUAZ/ (instrumental).
 
⇒ Forme en /-ER/-EAR/, /-AR/-EAR/ : soit datif “tronqué” de /A-R-I/ ou datif locatif (HONDAR, APAR), soit auxilié /AR-/ “être à”. La forme évoque fort les infinitifs issus du latin.

⇒ Lat. omnes clāmāre = bsq. DENAK GARIMATZEAR “tous prêts à hurler” (/cla-/, th. II, /GAR-/, th. I).
Les formes prospectives du basque illustrent parfaitement ces mécanismes bien connus des infinitifs latins :
1) LEGEGINTZALDIA AMAITZEAR DENAZ “la législature étant sur le point de se terminer” (datif locatif) ;
2) LEGEGINTZALDIA AMAITZEN ARI-DENAZ “la législature étant en train de se terminer” (inessif locatif).
C’est, dans les deux cas, du gérondif prospectif ayant conservé des thèmes en /*-r/ et en /*-n/ très anciens.

Cette syntaxe est régulière en basque pour les désinences casuelles (voir supra) (AITA AMERI, PELLO TA MAÑEREN) et pour les infinitifs : BEHIA HAUTA, LAXA, ESTEKA BERE SOKEZ, TA ERAMAITEKO BERA ZEN “il était seul (opérateur) pour choisir, détacher, rattacher de sa propre corde et emporter la vache” (histoire du vol d’une vache, par un contrebandier trompé par son employeur voleur, Luzaide, déclaration devant témoins)


 
ERRAN BEHAR DA “il faut dire”, mais
    HAUTA-TU BEHAR DA “il faut choisir”;
⇒ EHOTUAZ (instrumental) “en frappant”

⇒ EHOTUTA “après avoir frappé, tué”, mais
    aussi EHO-TA.

⇒ USTE GABEZ (instrumental) “de manière
    inopinée”
⇒ EMAITEKO (génitif de but) GAI DA “il est
    capable de donner”
⇒ SALTOKI-T-IK (élatif) NATHOR “je reviens
    du marché”
⇒ AITORTZE-R-AT (adlatif) NOA “je vais
    (à) avouer”
⇒ AITORTZE-AR NAIZ “je suis sur le point
    d’avouer”
⇒ l’euskera peut y appliquer l’ergatif, l’absolutif
    et le cas de non désinence (= accusatif latin).