Le verbe exprime, en grammaire traditionnelle, le procès :
|
L’existence du sujet, |
|
L’état du sujet ou le passage d’un état
à l’autre, |
|
La relation entre l’attribut et le sujet. |
Le verbe se distingue, en indo-européen, du nom par des affixes particuliers,
les désinences personnelles.
|
Il utilise régulièrement des suffixes
flexionnels. |
|
Le nom n’utilise que la suffixation dérivationnelle. |
|
Une des catégories du verbe, le temps, est masquée
par la préfixation d’un augment. |
A
- |
DESINENCES
PERSONNELLES DU VERBE
INDO-EUROPEEN |
EUSKARA |
|
|
ETRE |
|
|
|
Sing. |
1 |
mi, m |
|
2 |
s |
|
3 |
t (ou zéro) |
Pl. |
1 |
men |
|
2 |
te |
|
3 |
si |
|
|
|
ETRE (préfixé) |
AVOIR (postposé) |
|
|
|
|
Sing. |
1 |
N |
T |
|
2 |
H |
K, N |
|
3 |
D |
zéro |
Pl. |
1 |
G |
GU |
|
2 |
Z |
ZU (ZUE) ZUTE |
|
3 |
DI |
TE |
|
|
|
A.1
- |
LA PERSONNE
INDO-EUROPÉEN |
EUSKARA |
LA PERSONNE a un signifiant
pronom postposé rappelant le pronom sujet déictique.
|
LA PERSONNE a un
signifiant pronom préfixé, sauf au présent
du verbe “avoir” qui l’a postposé,
et zéro à la 3ème personne de singulier.
|
|
A.2
- |
LA VOIX
INDO-EUROPÉEN |
EUSKARA |
LA VOIX, signifiant
zéro pour l’actif,
/*o/ pour le médio
passif. |
LA VOIX
(diathèse) : • en fonction objet
(passif et moyen) désinences personnelles préfixées.
• en fonction sujet, comme ci-dessus, préfixées
pour les intransitifs, suffixées au présent
des transitifs. |
|
A.3
- |
LES MORPHEMES
INDO-EUROPÉEN |
EUSKARA |
UN MORPHEME
:
/*-i / en désinences
primaires “actualisantes”, zéro
en désinences secondaires,
/*-i / à l’actif
impératif.
|
MORPHEME
/*-i/ figé sur l’infinitif
radical (actuel) à sens participe passé (survivance
d’une ancienne grammaire), à l’actif
et au médio passif, pour la classe des verbes en
/-i/, • Zéro
à l’actif des autres verbes à l’infinitif
radical et au médio passif de la classe
des verbes en /-n/,
• /-TU/ sur l’infinitif
radical au passif moyen et actif, la diathèse
est prise en charge par les auxiliaires :
⊲ être
et assimilés (passif, moyen) ⊲
avoir (actif)
pour une partie des verbes. • /*-i/
sur actif moyen, impératif (JAR-HADI
“assieds-toi”, ETHOR-BEDI
“qu’il vienne”, au subjonctif,
au complétif : DADI-EN, DADI-LA |
|
A.4
- |
L'IMPERATIF
INDO-EUROPÉEN |
EUSKARA |
L’IMPERATIF,
signifiant /*-u/. |
À
L’IMPERATIF : Radical nu :
JAN “manger !”
/-TU/, flexion additionnée au radical,
impersonnel comme le radical nu :
HANDI-TU “grandir !” dialectes
occidentaux. |
|
A.5
- |
LE PARFAIT
INDO-EUROPÉEN |
EUSKARA |
LE PARFAIT,
signifiant /-e/. |
LE PARFAIT,
deux signifiants : • /-a/ postposé
à l’infinitif radical : JANA
DUT “j’ai mangé”
• /-ik/ : JANIK
NAIZ “je suis ayant fini de manger”
et même JANIKAN “après
avoir fini de manger”.
|
|
A.6
- |
L'AUGMENT
INDO-EUROPÉEN |
EUSKARA |
L’AUGMENT,
préfixe /e/
compatible seulement avec les désinences secondaires. |
L’AUGMENT
: /EN/E/I/
n’est pas analysé comme tel par les grammairiens
: il est facultatif chez les locuteurs “vieux basques”
; il est figé et affecte les formes à désinences
primaires aussi bien que secondaires. Survivance d’une
ancienne grammaire : I-GURTZI
“oindre”, E-HORTZI
“enterrer”, N-ENTZADEN
“j’étais”, E-BILI
“circuler” et N-ENBILEN
“je circulais”. |
|
A.7
- |
LE REDOUBLEMENT
INDO-EUROPÉEN |
EUSKARA |
LE REDOUBLEMENT
: se retrouve au présent,
à l’aoriste et au parfait,
dans certaines formations, et sous une forme différente,
à l’intensif où
c’est un vestige d’une ancienne répétition
de la forme. |
LE REDOUBLEMENT
existe sur quelques
formes : • LILIRIKA(N) “rempli
à ras bord”, reproduit exactement
certains parfaits grecs. • KUNKURTU “(se)
vousser, (se) recourber”. • GOGORTU “(s)’endurcir”.
• DIRDIRATU “scintiller, illuminer”.
• DARDARTU “trembler”. • LILURATU
“(s)’illusionner, (s)’éblouir”.
• KIKILDU “(s)’abaisser, (se) courber”,
“cramer”. • KIZKORTU “(se) racornir”,
etc. |
|
|
|
|
B
- |
LES
CATEGORIES VERBALES FLEXIONNELLES
B.1
- |
LA PERSONNE
INDO-EUROPÉEN |
EUSKARA |
LA PERSONNE
: la flexion distingue neuf personnes dans les langues
qui n’ont pas perdu ou réduit le duel. Le
nombre des signifiants personnels reconstruits étant
supérieur, on suppose que l’indo-européen
a possédé un système personnel plus
complexe, distinguant, par exemple, des personnes
inclusives et des personnes
exclusives. |
LA PERSONNE
: on distingue les six personnes deux fois, en :
fonction sujet : six
fonction patient : six
fonction bénéficiaire
(datif) : six 2ème
/DAUK/ DEAT/DAUN/
/DAUNAT/ 3ème
/IO/ 4ème
/KU/ 5ème
/ZIE/ 6ème
/IE/
et dans l’allocutif, qui
inclut
les cinq allocutaires : la 2ème
personne du singulier : masculin
: deux /K/A/
féminin : deux /N/NA/
la 2ème personne du pluriel
: /ZUE/
soit au total vingt trois signifiants personnels.
|
|
|
|
B.2
- |
LA VOIX
INDO-EUROPÉEN |
EUSKARA |
LA VOIX :
un actif non marqué,
un médio passif marqué
/*-o/ et ses allomorphes,
combiné avec la marque personnelle.
Le contenu notionnel de ces deux voix est très
complexe et variable : six valeurs de médio passif
:
1) Moyen “dynamique”, gr. ἔφατο
= ἔφη
“il dit”,
2) Moyen réfléchi, gr. λούομαι
“je me lave”,
3) Moyen réciproque, gr. μάχεσθαι
“se battre”,
4) Moyen à sujet bénéficiaire, gr.
θύεσθαι,
véd. yájate
“sacrifier pour soi”,
5) Moyen à sujet “receveur”, gr. μισθοῦσθαι
“recevoir un salaire”,
6) Passif, véd. stávate
“il est loué” en face de stáuti
“il loue”. |
LA VOIX :
la grammaire de P. LAFITTE en distingue
cinq :
“voix nominative”
: NAGO “je reste” /N/
= sujet absolutif, NU “(il)
m’a” /N/ = objet.
Il vaudrait mieux parler de voix absolutive
active.
“voix dative”
: NAGOKO “je lui reste”,
DAUZKIT “il
me les a” ;
“voix active”
: NUTE “ils m’ont”, DERAMATE
“ils
l’amènent” ;
“voix active dative”
: DAUZKIDATE “ils me
les ont”, où trois
participants au procès sont
inclus ;
“voix dative
éthique” ou allocutive :
EDERRAK ERRAN
DIZKIETZUT “je leur en
ai dit de belles (remontrances)”; quatre
participants inclus dans le verbe ;
Mais les voix équivalentes au contenu notionnel
des voix de l’indo-européen fonctionnent
également :
1) Moyen “dynamique” : DIO
“il dit, dit-il”, ZIOTEN
“dirent-ils” ;
2) Moyen réfléchi : IKUZTEN NAIZ
“je me lave”, est rendu
par l’infinitif gérondif + le verbe
être = “je suis me lavant”
pour le présent ;
3) Moyen réciproque: AHARRATU DIRA
“ils se sont querellés”,
rendu par l’infinitif possessif
passif (barbātus,
amātus) +
le verbe être = “querellé(s)
ils (se) sont” ; Ou ELGAR
XEHAKI DUTE “ils (se) sont
anéantis réciproquement”, rendu par
infinitif parfait + verbe avoir et patient
ELGAR “réciprocité”
;
4) Moyen à sujet bénéficiaire: BAZKARI
HUN
BAT EGINA NAIZ “je me suis
fait un bon repas”, rendu par
l’auxiliaire être auxiliant un
transitif EGIN au parfait EGIN-A
;
5) Moyen à sujet “receveur”: SARISTTU
NAUTE “ils m’ont
payé”, rendu par l’infinitif possessif
passif (barbātus,
amātus) et
désinence de 1ère
personne en fonction objet sur verbe
avoir ;
6) Passif proprement dit : ATXILOTUA DA
“il a été arrêté”,
infinitif parfait + verbe être. |
Le sens général de l’évolution diachronique
va des valeurs pleines aux valeurs vides. a)
LES ETAPES DU MEDIO PASSIF
(cf. J. HAUDRY pour l’indo-européen
reconstruit)
|
d’un dénominatif “réceptif”
: je suis récompensé, |
|
qui serait passé à la valeur
passive, comme l’adjectif en /*-to/
dérivé dénominal possessif (lat.
barbātus “pourvu
de barbe”) devenu participe passif (lat. amātus)
|
|
au réfléchi
|
|
et au réciproque |
|
dans quelques cas, il aurait perdu sa valeur
propre, d’où le moyen dynamique
ou déponent,
exemple bsq EDAN actif “boire”
EDANA participe passé à double orientation
possible :
1) avec verbe être “bu est (le vin)”
2) avec verbe avoir “bu
il a (le vin)”
Et, enfin, EDANA DA “il est ivre”
= fr. local “il est bu”, il est “passé”,
soit = “il a franchi un certain seuil”.
EMAN “donner”
EMANA “donné”, mais aussi “reçu”
parce que le sujet donateur est implicite (syntaxe ergative)
:
ZER LEPOKO POLLITA ! ZENBATETAN ? “Ce joli collier
! À combien?” EMANA
“reçu”, URTEBETEKARI “pour (mon)
anniversaire” (dialogue relevé en 2006).
|
b) LA CONSTITUTION DE L’ACTIF
(cf. J. HAUDRY pour l’indo-européen
reconstruit)
|
Un “donatif”
(un dénominatif signifiant “pourvoir de”,
type lat. clipeāre
“pouvoir d’un bouclier”) a fourni l’actif.
bsq. (S) BORDALTÜ “pourvoir
d’une métaierie” actif : “marier”
un fils ou une fille, actif ; et avec auxiliaire être
BORDALTZEN NAIZ “je me marie”,
“se marier”, médio passif.
Un même genre de couple en indo-européen
formé par l’actif
de la racine /*deh3-/
“donner” et son médio passif “recevoir”,
“prendre” (hitt. dā-,
véd. ā́-dā
médio passif).
|
|
Un dénominatif essif
peut servir à constituer l’actif
i.-e., “être tel” : il se constitue
alors un donatif à partir de diverses
formations dérivationnelles, l’infixe /*-n/
et les suffixes qui en sont issus, /*-new/,
/*neH2
/, le suffixe (d’itératif intensif)
/*-éye/-c/
(lat. monēre
“appeler l’attention sur, avertir” de
/*men/ “penser”
au degré /o/
+ le causatif /-eyō/;
et lat. sopīre
“endormir” de /*swep-/
véd. svápan
“dormant” au degré /o/
+ le causatif /-eyō/).
Ce donatif est devenu le causatif. C’est ainsi que
du védique nom-racine vŕdh-
“accroissement”
on a :
1) un actif essif várdhati
“il est un accroissement”
2) un médio passif réceptif várdhate
“il reçoit un accroissement”
3) un causatif donatif vardháyati
“il donne un accroissement”
Bsq. HAPAN DA “il est
essoufflé”, “il est en respiration”;
HAPATU DA “il est devenu
soufflant”;
HAPATU-ERAZI DA “on l’a
fait haleter, souffler”, en pratique HAPAKAAZI
(dialectal) = “faire trotter le troupeau”
par temps chaud, afin d’observer, au repos qui suit,
la respiration des bêtes, pour détecter les
premiers symptômes du “TRAPA” = “bylose
pulmonaire” : l’expiration marque deux saccades,
si positif. (Voir lexique HAPA). |
|
|
|
B.3
- |
L'ACTUALISATION
C’est l’opération par laquelle tout concept
est situé dans le temps et l’espace. Le verbe indo-européen
ne localisait pas l’action verbale dans le temps. L’actualisation
temporelle n’était alors qu’implicite, en
dépendance du contexte.
INDO-EUROPÉEN |
EUSKARA |
Dans la plupart
des langues où elle a subsisté, l’opposition
entre désinences primaires et désinences
secondaires ne comporte par elle-même aucune signification:
gr. λύει
“il délie” : ἔλυε
“il délia”.
Le prétérit est marqué par l’augment
; les modes qui comportent les désinences secondaires
sans l’augment (optatif) n’ont pas la valeur
prétérit. Seuls le védique et le
gâthique opposent à une forme à désinences
primaires, véd. bhárati
“il porte”, une forme à désinences
secondaires sans augment, bhárat,
distincte de la forme d’imparfait ábharat
; cette forme bhárat
est dite “injonctif”, d’après
l’un des emplois, et elle apparaît étrangère
aux oppostions temporelles et modales, elle “mentionne”
(K. HOFFMANN, Der injunktiv im veda,
Heidelberg, 1967) le procès avec la seule indication
de l’aspect (contenue dans le thème).
Pour cette raison, on estime que la forme à désinences
primaires étaient “actualisées”
et que par conséquent le morphe /*-i
/ avait valeur “hic et
nunc”. Analyse confirmée par A.
MARTINET, Évolution des langues, 94
: « le temps qui est historiquement celui du passé
–sous sa forme durative, l’imparfait, ou sa
forme non durative, l’aoriste- était à
l’origine une catégorie temporellement indifférenciée
utilisable en référence à un fait
passé, actuel ou à venir, et qu’il
existait à côté de lui une forme permettant
de replacer le fait dans l’instant et probablement
dans le lieu même où avait lieu l’échange
linguistique. Cette forme, qu’on pourrait appeler
le présent hic et nunc, s’obtenait
en faisant suivre la forme verbale de l’élément
déictique /i/, c’est à dire
le timbre vocalique qu’on retrouve constamment dans
l’expression de ce qui est présent, aux deux
sens spatial et temporel du terme : gr. οὗτος
οὑτοσ
et
νῦν νυν-ι.
» À l’origine le procès est
perçu comme réalisé. |
Nombre de verbes basques
sont suffixés /-i/: IKUSI,
EHORTZI, IGURTZI,
IKUZI, IXURI,
AGERI, URDURI,
GELDI, IZI,
XURI, IGORRI,
IBILI..., etc. Ces “infinitifs
radicaux” reçoivent des flexions du futur
/-REN/-KO/, de datif
/AR(I)/, de gérondif /-EN/,
etc., que l’auxiliaire complète pour exprimer
passé, éventuel, optatif, etc.
Ce suffixe /-I/ est perçu comme une voyelle
thématique conférant la rection
verbale à un radical quelconque, mais aussi comme
marqueur de procès réalisé.
“L’injonctif” s’exprime
volontiers sans ce suffixe /-I/ : IKUS,
IKUZ, ETHOR,... etc., sans indication
de temps, de mode, d’aspect ou de personne. C’est
la forme du radical verbal pur. Avec le suffixe /-I/
ou /-TU/, l’injonctif
basque se situe entre l’idée de “mention
du procès”, comme le védique (K.
HOFFMANN), et l’impératif ou ordre suggéré,
forme souvent recherchée par la rhétorique
des locuteurs.
L’augment existe en basque formellement, mais n’est
plus perçu ni analysé comme tel par les
locuteurs contemporains. Beaucoup “d’infinitifs
radicaux” en sont pourvus : EMAN,
EGON, EKEN,
EREIN, IXUR,
IGOR... etc., mais facultativement
prononcé par les “vieux basques” pour
certains verbes : ZAGUN, XURTZEN, KEN, etc...
Il est fonctionnel dans les auxiliaires: N-IN-TZADEN,
G-ENDUZTEN, Z-ENDUEN
ET LES VERBES A CONJUGAISON SYNTHETIQUE : N-EN-GOEN,
N-ENBILEN, N-ENTHORREN,
N-ENKARREN, etc. Il semble équivaloir
à un adverbe de temps “alors”.
La grammaire historique de la langue reste à élucider. |
|
|
|
B.4
- |
L'IMPERATIF
Ordre ou interdiction exprimé à un ou plusieurs
interlocuteurs.
INDO-EUROPÉEN |
EUSKARA |
/*-(t)u/
:
désinence distincte seulement à l’actif
et à la 3ème personne du singulier.
À la deuxième personne du pluriel,
l’impératif est identique à la forme
d’injonctif, c’est à dire avec suffixe
/-i /.
La 3ème personne du singulier impératif
de l’indo-européen serait une forme d’injonctif
suivie d’une particule d’insistance /*u/.
2ème PERSONNE
:
La forme ἴσθι
(ἴ-σ-θι),
impératif de
gr. ειμι
“sois”, présente –selon les grammairiens
J. ALLARD et E. FEUILLATRE, 65- la racine
au degré zéro
précédée d’une voyelle prothétique
[?]. /-θι/
serait une ancienne particule. 3ème
PERSONNE :
Gr. /-τω/
(tō), impératif futur lat.
/-tō/, ancienne
particule aussi. 4ème
PERSONNE :
Gr. /-τε/
(te) comme dans le basque. |
Les radicaux nus ou suffixés
/-I/-TU/, les mêmes qu’à
l’injonctif, mais soit avec auxiliaire être
(transitif), avoir (intransitif), soit sans auxiliaire
mais avec particule d’appui qui assimile impératif
et injonctif “mentionnant”: ASE HOR
! “saturer alors !”, GELDI HARREN !
“arrêter donc !”
VERBES ETRE,
INTRANSITIFS ET MEDIO PASSIFS
Les verbes “forts” (défectifs)
ayant le mode impératif et intransitifs ont le
suffixe du verbe ETRE : /-DI/-θι/
(gr. ἴσθι
(isthi) “sois” et les médio-passifs
στεθι
(stethi) “place-toi”, δῦθι
(duthi) “enfonce-toi”) à la 2ème
personne du singulier : ZAODI (Z-AO-DI)
“viens” et les auxiliaires ETRE
auxiliant la quasi totalité des verbes intransitifs/médio
passifs :
1º HADI de 2ème personne
du singulier : HAZ HADI
“alimente-toi”// gr. ἔσθι
“mange” ; /H/, désinence de
2ème personne, + /A/
“être” de /AR-/ + /-DI/
suffixe
d’impératif.
2º BEDI impersonnel de 3ème
personne : ETHOR BEDI
“que vienne”, “qu’il
vienne”, JUAN BEDI “qu’il s’en
aille”, EROR BEDI “qu’il
(se) tombe” médio passif.
Cette désinence /-DI/ se retrouve à
toutes les personnes du subjonctif présent du
verbe ETRE /AR-/, suivie de la
conjonction de subordination postposée /-AN/-EN/
(gr. /ἄν-/
antéposé), existant aussi, semble-t-il
en emploi anté-positionnel indépendant
dans les propositions subordonnées interrogatives
: EAN (HEI-AN) BADENEZ “
(il demande) s’il y a”//gr. ἔᾱ́ν
εἰ ἄν
et ἤν
“si”, grec classique et moderne, Chtr. 307.
Les 4ème et 5ème
personnes ont les formes de l’indicatif, la 6ème
de même, mais avec auxiliaire /BEU/ (pluriel)
préfixé, /BE/ ou suffixés
par le complétif : GAUDELA, ZAGOZTELA,
DAGOZTELA ; ou le subjontif GADIEN, ZADIEN,
DAIZ/DIEN. Ces formes sont confondues
souvent, en tous cas doublése, par les formes
sur-auxiliées GAI-TEZEN ï
G-ADIEN-IZAN
G-AITEN-IZAN), ZA-IZTEZEN, DA-IZTEZEN.
Ce qui résulte de “l’usure”
des formes ou de leur complexité, source d’hésitation
chez les locuteurs, toujours portés vers les
formes actuellement plus explicites.
Phénomène constaté
dans toutes les langues. Il est aussi possible d’y
voir des aoristes “sigmatiques” dont la
sifflante semble bien être le verbe d’existence
de bsq. IZ-AN, gr. ἐσ-μι.
Voir infra.
AUXILIAIRE AVOIR ET
VERBES TRANSITIFS ont deux formes de désinences
d’impératif :
1º pour la 2ème personne du singulier
/-AK/AN/ : HAR-AK,
JAN-AK “prends”, “mange”;
4ème et 5ème /A/
:
/AGUN/AZU/, c’est
le radical nu du verbe AVOIR UKAN
avec désinences pronominales.
C’est régulier (cf supra).
2º pour toutes les personnes /EZA/
*U-EZA : verbe
AVOIR auxilié du
verbe ETRE IZAN. Cette formule
servant pour le subjonctif à tous
les temps, le potentiel,
l’éventuel, l’optatif
des transitifs.
Cette forme évoque également
les impératifs aoriste
actifs du grec. 2ème
personne du singulier λῦσον
(luson) “délie”, 3ème
personne du singulier λυςάτω
(lusatō) “qu’il délie”,
5ème (2ème personne
du pluriel)
λύσατε
(lusate) “déliez”, 6ème
(3ème personne du
pluriel) λυςάτων
(lusatōn) “qu’ils délient”
:
Bsq. 1ère EZAT,
2ème EZAK/N, 3ème
EZA,
4ème EZAGUN,
5ème EZAZUE/TE,
6ème EZATE.
|
|
|
|
B.5
- |
LE PARFAIT
Flexion verbale qui exprime le procès accompli. C’est
une forme de l’aspect indiquant le rapport au sujet de
l’énonciation, le résultat d’une action
faite antérieurement.
INDO-EUROPÉEN |
EUSKARA |
• Le parfait
est caractérisé par ses désinences
et par son thème : à l’alternance
vocalique /*o/
et ton radical, et vocalisme zéro
et ton désinentiel. • Sa
valeur va de la voix à l’aspect
et au temps. Souvent le parfait forme couple avec le présent
médio passif : gr. πέποιθα
(pepoitha) “je suis convaincu, j’ai la conviction”
fait couple avec πέποιθα
(peithomai) “je me laisse convaincre, j’acquiers
la conviction”.
• C’est probablement la valeur la plus ancienne,
celle d’un possessif, en face du présent
réceptif.
Chtr. 869: « La racine présumée de
ce mot serait /*bheidh/
étayée sur lat. fīdō
»
/*bhidh-to/BITTU
! de Gonzal MENDIBIL “écoute !”
• Il y a aussi des parfaits exprimant l’état
réalisé, l’action achevée,
ce qui nous renvoie à la catégorie de
l’aspect.
Ces parfaits évoluent en prétérits
et entrent dans la catégorie du temps.
Cf. le renouvellement de cette évolution du latin
au français : syntagme possessif lat. habeō
positum ð prétérit fr.
j’ai posé,
en passant par un parfait : je
posai calqué sur lat. posuī.
|
Les formes de parfait de la
langue sont analysées en général
comme des participes passés, étant donné
le système nominalisé du verbe, et le caractère
d’adjectifs verbaux de la plupart des radicaux nus
: les flexions étant partagées entre le
radical et l’auxiliaire, ce qui confère une
souplesse et une régularité remarquable
à la conjugaison.
La nominalité de formes a permis de conserver d’anciennes
flexions figées de formes grammaticales révolues,
dont les parfaits.
Au gr. πέποιθα
(pepoitha) correspond, sans redoublement :
BEHATUA, (B) BITTUA
ï BEGIRATUA “qui
a été observé” ou/et ï
BEHATUA “écouté” (BE-ARR-I
= lat. auris “oreille”,
/*aus-/ et /*out-/,
gr. ὠτός
et bsq. OTH-OI ! “écoute
!”). BEHATUA
“qui a été écouté, observé,
attendu”, cf. BERANDU “s’attarder”
ï BEIRANDU “qui a attendu,
qui est demeuré en attente”, cf. got. beidan
= gr. προσδοκαν
“attendre”. Cf. Bvn., Institution i.-e.,
1, 115-121. BEHATUA
signifie aussi “faire confiance, croire”,
nous retrouvons donc le sens de “être convaincu”
qui correspond à gr. πέποιθα
(peithomai).
BEHATU (NAGO) “je
suis attentif”, plus commun dans les dialectes orientaux
; BEHATZEN (NAIZ), BEHAN(NAGO) “je
suis écoutant, j’écoute, je me laisse
convaincre”.
Deux expressions dans l’euskera
pour dire le parfait d’action achevée :
• DEITZIA-DUT “je
l’ai traite (la vache)” ;
• DEITZRIK(AN) DUT
“j’ai fini de traire”, qui
rappelle formellement les parfaits grecs.
Mais DEITZI NUEN “je la trayai”,
parfait, opposé à DEIZTEN NUEN
“je la trayais”, imparfait. |
|
|
|
B.6
- |
LE TEMPS
Si le “je” et “maintenant”
(signifiant l’ici et l’actuel) correspond au "point-instant"
de l'espace et du temps, l’axe temporel sera divisé
en trois espaces : passé, présent,
futur ou temps absolus. On a également
le point de vue de la simultanéité,
antériorité et postériorité
ou temps relatifs.
INDO-EUROPÉEN |
EUSKARA |
Cette catégorie
est limitée au mode indicatif. Elle comporte trois
degrés chronologiques :
le présent, non marqué,
le prétérit
marqué par l’augment
le futur, exprimé
par un suffixe dit de subjonctif (prospectif).
C’est une forme initialement dérivationnelle
et dont la valeur n’est pas uniquement temporelle
à l’origine. |
Le temps porte les marques
à l’indicatif, au subjonctif, à l’impératif,
au potentiel, éventuel et optatif.
Présent : NOA
”je vais”, DABIL “il va”
;
Prétérit avec
augment : N’EN(D)OA-N “je
m’en allais”,
N’EN-BIL-EN
“je circulais” ;
Futur à désinence
de génitif : ETHORRIKO
“(je) viendrai”, EGIN-EN
“(je) ferai”.
On voit le mécanisme du syntagme devenant dérivation:
“Moi-alors-aller-alors = je m’en
allais” = NINDOAN.
Il semble bien qu’augment et désinence de
prétérit sont une seule et même chose
: adverbe de temps originellement. |
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|
|
C
- |
LES
CATEGORIES VERBALES INITIALEMENT DERIVATIONNELLES
C.1
- |
L’OPTATIF
Comme on vient de le suggérer avec l’interprétation
de l’augment, des suffixes divers sont intervenus pour
donner des modes qui furent d’abord dérivationnels.
INDO-EUROPÉEN |
EUSKARA |
L’OPTATIF
a été réalisé par la suffixation
de /*yeH1-/*iH1-/
et de /*-yo-/. Il
reflète le thème correspondant de l’indicatif.
• Le contenu de l’optatif est essentiellement
modal : souhait, hypothèse, regret, etc. Le sens
suggère un rapprochement avec la racine indo-iranienne
/*yā-/*ī-/
“implorer”, si elle repose bien sur/*yeH1-/*iH1-/. |
L’OPTATIF se présente
comme un indicatif préfixé : /BAI/
+ /L-/
/(B)EI/AI/ + /AHAL/ “pouvoir”
ou /LEI/ “vouloir” : “s’il
pouvait/voulait” ⇒ /BAL-/.
BALOA “s’il s’en allait”.
BALITZ “s’il était”.
BAGENGU “si nous avions”
et BALINBAGENGU (contamination de BALDIN
et de /BAI-AHAL/ + /IN/
!) • Le contenu de l’optatif,
⊲ au présent (irréel),
est souhait, hypothèse, ⊲ et
au prétérit, regret. |
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C.2
- |
LE SUBJONCTIF
INDO-EUROPÉEN |
EUSKARA |
DES SUBJONCTIFS
sont issus d’une dérivation primaire : véd.
kárat(i)
en face du présent kr̥nóti
“il fait”. • La valeur du subjonctif
est prospective, comme celle du datif. Elle s’étend
du mode (éventuel, potentiel, etc.) au temps (futur).
⊲ Il est devenu futur en latin,
⊲ Un mode en grec et en sanskrit, où s’est
développé un nouveau
futur. |
LE SUBJONCTIF
est formé d’une base d’indicatif suffixée
/DI/ qui semble être une désinence
primaire (présente dans les 2ème
et 3ème personnes de l’impératif)
et /-I/ tout seul : NAHIZ HOAIEN
SPANIATIK URRUN “bien que tu t’en ailles loin
de l’Espagne”. Cette forme rappelle celle
des subjonctifs grecs : ᾖς
(ēis) “que tu sois”, ποιῃ̑ς
(poiēis) “que tu fasses” τιθῃ̑
(tithēi) “qu’il pose”. |
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D
- |
UNE
CATEGORIE D’EXPRESSION DIVERSE : L’ASPECT
L’aspect exprime la représentation que se fait le sujet
du procès signifié par le verbe : durée, déroulement,
achèvement (aspects inchoatif, progressif, résultatif,
etc.).
INDO-EUROPEEN |
EUSKARA |
L’ASPECT
appartient à la flexion. À tout thème
de présent s’oppose un thème d’aoriste
exprimant le même procès sans considération
de durée.
Mais certaines racines fournissent un thème d’aoriste
sans avoir besoin d’affixes, par exemple
/*steH2-/ “se
tenir debout”
aoriste /*steH2-t/.
D’autre thèmes dans les mêmes conditions
donnent un thème de présent: /*es-/
“être”
/*es-ti/ “il est”.
On pense donc que l’aspect est à l’origine
inhérente à la racine. Elle ne serait devenue
grammaticale que là où l’on a maintenu (ou
créé) l’aoriste : grec, slave et l’indo-iranien. |
• IKUSI IZANA
“le fait d’avoir vu” dit le basque actuel,
soit l’idée verbale pure. C’est de l’aoriste
; mais les deux éléments sont déjà
marqués : I-KUS-I “voir”,
formellement un aoriste archaïque analysé “participe
passé” et IZANA “été”,
parfait du verbe être IZAN.
Cependant, le contenu de IKUSI IZANA est l’idée
verbale sans considération de temps.
Synthétisé, on a : EGOITZ
EGON “demeurer” et sens “séjour”,
EMAITZ
EMAN “donner” et sens “don”,
etc.
• Des racines fournissent le thème d’aoriste
sans suffixe : /ZUT/*steH2-/
“dressé, raide”, ZUTA “qui est
dressé”
ZUTIK “debout”, mais c’est un parfait
senti présent.
• Des thèmes sans suffixes fournissent des présents.
DAZ/D-ATZ “il est” : /D-/ pronom,
/T/ de /TZ/, phonétique. DAZ “est”. |
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E
- |
COMMENT
S’EST CONSTITUEE LA FLEXION VERBALE
À l’origine, le radical verbal nu, c’est-à-dire
la racine et la voyelle “thématique” (e/o),
reçoit un “supplément” lexical qui
s’y agglutine et qui n’est pas susceptible, en principe,
d’un emploi indépendant : préfixes, infixes, suffixes.
Les préfixes peuvent correspondre à des formes ayant
une autonomie lexicale : fr. contredire
ou bienfaisant ; et par conséquent,
la formation par préfixe est plus proche de la composition
que la dérivation. La préfixation
n’entraîne pas de changement de catégorie grammaticale
de l’unité considérée.
Mais la suffixation permet le changement de catégorie
grammaticale : fr. noir noirceur,
noircir, etc.
Dans le cas du verbe, qui semble à l’origine
une unité lexicale que rien ne distingue du nom, on a une racine
à l’état II (réduit) dotée d’un
suffixe et d’un seul élément additionnel ou élargissement.
C’est le cas des verbes indo-européens. E. BENVENISTE,
Origines, 147 et sq. Un thème à l’état
I (plein) ne peut recevoir qu’un suffixe et pas d’élargissement.
Exemple bsq. /PAR/ “niveau, mesure”
PAR-KA est un thème verbal par le /-KA/, suffixe
à valeur d’itération, d’action répétée
: donc, un thème I + un suffixe : sens “(qui est) après
(sa) mesure”, “en réclamation, quête de (son)
niveau”. D’où les traductions données par
AZKUE “caprice”, et LHANDE “face,
front”, déduites de l’expression PARREZ-PAR
“face à face”. Le lat. pār,
pāris “égal, pareil” rend assez
bien le contenu du concept. Pour ce qui est de la forme de bsq. PAR-KA,
si on veut l’utiliser comme verbe, il faudra des auxiliaires
pouvant recevoir des flexions ; PAR-KA ne peut recevoir de
nouveaux “suffixes”, mais des termes de composition seulement.
Comme des milliers de verbes basques, n’importe quelle base
pouvant servir à faire un verbe, mais de cette façon
là seulement. La langue n’a que très peu de thèmes
II : tout semble se passer comme si à l’origine il n’y
avait que ce type d’expression pour désigner le procès.
Exemple HAPA, onomatopée pour signifier “la respiration
rythmique des animaux, du sommeil, du mourant” (absent de Lh
; Azk., HAPAKA : 1) “baisant” ; 2) “essoufflement”
du «
mouvement de la bouche du poisson sorti de l’eau ») :
/HAPA/ avec le suffixe /-N/
HAPA-N “mouvement visible, rendu visible de la respiration”,
/-N/ est une désinence d’inessif “en souffle”.
On retrouve les “pièces”
de la forme /PAR-/, th. I, + /KA/,
dans lat. th. II /*pr-ék-/
« racine au degré zéro,
le suffixe est plein », E. BENVENISTE, Origines,
153 : « Si un nouvel élément s’y ajoutait,
il sera donc au degré zéro,
donc élargissement : /*pr-ek-s-/.
Or que se produira-t-il à l’état I ? La racine
étant au degré plein, se fera suivre d’un suffixe
au degré zéro
: /*per-k-/ ; mais on ne pourra
pas y ajouter un second élément, ni au degré
zéro (élargissement),
puisque deux éléments consécutifs au degré
zéro sont exclus dans
une même tranche morphologique, ni au degré plein, puisqu’un
seul des trois éléments doit prendre le degré
plein et que la racine le possède déjà. »
Lat. prex “prière”
poscere “demander”
des dérivés et composés de postulō
(pos + tus
+ lo + o-o)
: postiliō, -onis
terme de rituel “réclamation faite (ou victime réclamée)
par un dieu à propos d’une omission ou d’une négligence”
postularia
fulgura « éclairs lancés par les dieux
pour réclamer contre une omission » A. MEILLET,
525.
De la forme de bsq. HAPA-N
gr. Ὑπνος
(hupnos) “Sommeil”, frère de Θανατος
(Thanatos) “la Mort” (Hom.), lat. somnus
“sommeil”, skr. svapan
“dormant”, optatif supyāt
; un présent svápiti
et svapati “il dort”
; v. angl. swébban “endormir,
tuer”. On voit à partir d’un nom (fléchi
en bsq.) se constituer des verbes dans les dialectes i.-e. : lat.
somniō “rêver”,
gr. ὕπνω̨...
(hupnōi), lat. sōpīre
et sopōrō, sopēscō,
obsopēscō, etc. Hypothèse invérifiable
actuellement.
Ce qu’aujourd’hui nous appelons des flexions
verbales ne sont d’abord que des dérivations, lesquelles
furent souvent des unités lexicales de composition, avant
d’être perçues des suffixes dérivationnels.
Le lat. postulō offre un
modèle de ce mécanisme : /pos-/
/preks/
/par-k-s-/
[bsq. /PAR/ + /-KA/ + /Z/ instrumental] + /tus/
i.-e.
/*-to/ suffixe /*-et-/
(supra Nº 12) de contenu “possessif”, cf. barbātus,
+ /lo/ suffixe agentif
λῶ, λῆν “désirer”,
+ /o/ “je”.
Nous avons vu supra la formation des désinences
personnelles des verbes à l’actif, pour le basque,
à l’actif et au passif (désinences pronominales,
en fonction patient). Nous n’aborderons guère ici le
détail des médio-passifs, des /*w(-)/
du parfait i.-e., le /*-r-/
de troisième personne de parfait et de l’optatif (lat.
fēcerunt), le /*-r(-)/
de médio passif de plusieurs dialectes (lat. amor
“je suis aimé”). Il s’agit toujours, à
l’origine, de dérivations.
L’augment retiendra notre attention, pour la raison qu’il
est méconnu par les analystes de la langue basque, et pour
en illustrer la réalité.
|
POUR L’INDO-EUROPEEN :
J. HAUDRY, op. cit. p. 78: «
C’est une ancienne particule de phrase, comparable pour
la valeur au hittite /nu/
“et puis”, “alors”, et superposable
étymologiquement au /a/
louvite, qui a la même valeur que hitt. /nu/
, tout comme la particule /no-/
préfixée à l’imparfait du vieil irlandais
et superposable au hittite /nu/.
» C’est un préfixe. |
|
POUR L’EUSKERA : l’augment,
encore fonctionnel, a la forme /-EN/-IN/,
il est préfixé et se retrouve une deuxième
fois en suffixe –désinence secondaire sur la même
forme verbale, faisant office d’intensité, comme
les redoublements des parfaits grecs ou des présents
tirés des formes aoristiques, gignoscō,
didōmi, etc. G. ARESTI,
poète : « ATZO ASPERTU NINTZAD-EN
MAIXUEZ ETA ESKOLEZ » ; NINTZAD-EN
pour NENNTZAR-EN
: “hier je m’étais ennuyé des maîtres
et des études”. La forme d’ARESTI
est proche de la forme sans doute archaïque : /N/
“je” + /EN/ “alors”
+ /(T)ZAREN/ = verbe être
/AR-/ auxilié par le verbe être
IZAN avec amalgame de morphèmes
et réductions vocaliques, + /EN/ désinence
secondaire (gr. ἔλυον
= éluon). Il y a une variante souletine ENE GAZTE LAGÜNAK
HAN BEITZIRADIAN “car mes camarades
jeunes y étaient”, chant “Salbadore gora
da”. /EN/ apparaît en double
au verbe être aux 1ère,
2ème, 4ème et 5ème
personnes. Seule la “désinence secondaire”
apparaît aux 4ème et 6ème
personnes ; au médio passif aux 1ère,
2ème, 4ème et 5ème.
De même dans les verbes synthétiques. Le grec l’a
en préfixé, mais en “désinence secondaire”
il n’apparaît qu’à la première
personne de l’imparfait (ἔλυον
= éluon), peut-être masqué ou élidé
par les désinences personnelles postposées aux
autres personnes, et en préfixation à toutes les
personnes, comme augment.
Beaucoup de verbes basques sont des aoristes formellement et,
indéniablement au vu de leurs correspondants, par exemple
en grec. Les flexions, sensées s’adjoindre au radical
nu, viennent s’ajouter à la forme complexe de l’aoriste,
en général une base déjà auxiliée
et pourvue de l’augment. En i.-e., les aoristes ont souvent
précédé les présents. Bsq. IGURTZI
: Azk. “frotter, essuyer”, “supporter”.
Décomposable en I-GUR-TZI : la racine thème
I doit être /-GUR/ (cf. GUR-I “beurre,
crème de lait”, GORI-GIRI “jument
prête à la monte”
de /GOR-A/ “haut”) + /TZI/ auxiliaire
être avec désinence primaire /I/.
Cf. gr. ἔχρῖσα
(ekhrisa) de χρίω
(khriō) “frotter, oindre, enduire, thème II,
(Hom., ion.-att., etc.)
χριστος
(khristos) “l’oint”. Chtr. 1277: « hors
du grec, pas de rapprochement précis : lit. gr(i)y°ù
(griēti) “écrémer le lait”. »
On peut noter l’analogie des formes entre les parfaits
latins vexi, coxi, vixi...
et les formes basques aoristiques : EGOTZI, EHORTZI,
EGOSI, EGOSKI, etc., qui répondent formellement
aux aoristes sigmatiques grecs.
Bsq. E(H)ORTZI “enterrer”
E-OR-TZI : racine probable /(H)OR-/UR-/
; soit augment /E/ + racine /OR/ + /TZ-I/
auxiliaire être, désinence primaire
/-I/. Gr. ὀρύξαι
(oruxai) aoriste du verbe ὀρύσσω
(orussō) “creuser, faire un canal, déterrer,
enterrer, arracher (les yeux, etc.) ”, Hom., ion.-att.,
etc. Pas d’étymologie chez Chtr. 829. Or cette
racine bsq. /*OR-/UR-/ se retrouve dans AITZUR
(un composé) “pioche”, URDE
“porc”, (un dérivé) MUS-UR-KA
“fouiller le sol avec le groin”, JORRARI
“sarclette”... lat. runcō
“sarcler”, lett. rūket
“fouiller la terre”, celt. rucht
“porc”, gr. tardif ὀρύα
(orua) “pioche”.
Bsq. EGOSI “cuire”
E-GO-SI : /E/ augment + /GOS/ racine “??”
+ /I/ désinence primaire. Cf. lat. parfait sans
augment, coxī de coquō
“cuire”, et gr. aoriste ἔπεψα
(epepsa) du verbe πέσσω
(pessō) “faire mûrir, faire cuire” et
πέπων
(pepōn) “mûri”, πεπονες
(pepones) “mou, doux, gentil”. Cf. bsq. PAPUN
“tendre”, “sein de la femme”
“??”
PAPO “poitrine”, “cèpe moelleux
à large chapeau”. Le gr. pessō,
peptos, popanom “gâteau de sacrifice”
correspondrait à l’italo-celtique /*kwekwō/
lat. coquō
coxī. Le bsq EGOSI
pourrait être un emprunt au lat. coxī,
mais l’euskera y aurait ajouté le préfixe
/E-/ par analogie avec les autres formes pourvues aussi
d’une voyelle préfixée, qu’il est
convenu de dire prothétique, ce qui ne fait que vérifier
notre ignorance quant à l’interprétation
de la forme.
À la lumière des règles élaborées
par E. BENVENISTE, op. cit., pour dégager
la racine, et que ce savant a minutieusement vérifiées,
nous pensons qu’un des éléments clé
de déchiffrage des formes lexicales (verbales, nominales
et autres) réside dans l’identification de contenu
de divers “suffixes” qui furent, ou continuent d’être,
dans certaines langues, des unités lexicales interprétables.
Exemple du suffixe i.-e. : /*-et
/*-to/
lat. /-tus/, gr. /-θ/
(*-thi), dit “possessif” : lat. barbātus
“pourvu de barbe” et qui exprime, par glissement
du sens plein au sens vide, le passif et le moyen, gr. χριστος
“oint” (originellement “pourvu d’onguent”
?), bsq. /-TU/. Ce suffixe « joue dans la dérivation,
préhistoriquement et historiquement, le rôle le
plus considérable, mais probablement le moins bien connu
» E. BENVENISTE, Origines, 188. « L’affixe
/*dh-/ exprime l’état,
spécialement l’état achevé »,
en formulation immédiate, précise-t-il, sur racine
à valeur neutre ou intransitive. Il n’y aurait
qu’une racine dont la forme en /*-dh-/
date de l’indo-européenne : /*mendh-/
(got. mundōn, gr. μαθεῖν-
(mathein-, etc.) « appliquer son esprit, s’instruire
». Cf. lexique MIN.
Skr. mandāthar- “homme
réfléchi, pieux” ; avest. mazdra-
“sensé, raisonnable” ; lit. mandras,
mandrūs “réveillé”;
v. isl. mądră
“sage”, indiquent /*mand-/,
i.-e. /mendh-/. «
Toutes le formes, celles du grec, en particulier, reposent sur
/mendh-/, avec un suffixe
repris dans les formes nominales ion. μάτος
(mathos), dor.-éol. μάθᾱ
(matha), ion.-att. μάθησις
(mathēsis), etc. La racine /*men-/
fournissant notoirement une conjugaison moyenne, on voit l’antiquité
du suffixe /*-dh-/ qui s’y
rattache dès l’indo-européen » E.
BENVENISTE, Origines, 189. Cf. bsq. MAITE-MINDU,
IKUS-MINDU, etc. L’auteur donne des exemples de
verbes de sens moyen ou indiquant l’état :
⊲ |
ἄλθομαι
(althomai) “être guéri, se guérir”
racine /*al-/ de lat.
alo “nourrir”,
du sens originel de “croître, se fortifier”.
Cf. bsq. ALA “pâture”, ALATU,
actif et médio-passif :
1) faire pâturer” ; 2) “pâturer,
s’alimenter” et ELI-KA-TU
“alimenter” et “s’alimenter”. |
⊲ |
γέγηθα,
γέγηθα (gēthéō,
gégētha) “se réjouir” en
face de γαίω,
γάνομαι
(sans /*-dh-/)
lat. gaudeō.
Cf. bsq. JAI “fête”
JAITU “fêter, célébrer”
et “se mettre en fête, se sentir en joie”.
E. BENVENISTE, Origines, 196 : « le
suffixe /-θ/
tendrait, de par sa valeur intrinsèque, à
s’unir aux verbes impersonnels, intransitifs ou
d’état, et à convoyer une modalité
voisine du médio-passif : état absolu, état
réalisé, état déterminé,
mais toujours état. »
L’euskera peut, peut-être, proposer une lecture
de cette “valeur intrinsèque” de /*-dh-/
avec le participe complexe /-DUN/ servant
de suffixe aux deux séries de signifiés
:
1) possessif formel d’abord,
2) état effectif au final.
/-DUN/
/D/ pronom démonstratif et pronom personnel
de troisième personne en fonction objet (idée
de moyen et passif) + /U/ “avoir” +
/AN/EN/ pronom anaphorique/conjonction de
subordination (cf. fr. que).
Sens : “l’ayant, pourvu de”. Il s’agit
structurellement d’un médio passif dans la
perspective du patient, et d’un transitif dans celle
du sujet ergatif, ce qui est logique. Mais les applications
en feront un signifiant ambigu : “il a la barbe”
et “il est barbu”, lat. barbātus,
bsq. BIZAR-DUN “ayant la barbe”. Bsq.
IRABAZTUN “qui a (eu) le dessus, gagnant”
et “gagneur, qui est gagneur”. JOSTUN
“l’ayant cousu, tissé, etc.”
(de JOS-I, lat. texō)
et “couturier, qui est couturier”.
Comme les sonantes s’amuïssent en finale, on
peut concevoir la forme /-tus/
du latin, dont le /-s/
serait la survivance de la désinence d’ergatif,
comme répondant au /-DUN/ de l’euskera.
Et nous avons là, peut-être, la clé
de ce “suffixe” si important et de la confusion
apparente de ses usages.
On doit pouvoir ranger de nombreux verbes i.-e. et bsq.
dérivant de ce type de suffixation dans des :
Essifs : |
“être
tel” ; cf. bsq. HANDI-TU
“grand”, ERI-TU “rendu
malade, malade”, etc.
“se comporter en” ; cf.
bsq. ASTO-TU “(se) rendre furieux”
ASTO “âne” ; ZAKUR-TU
“(se) rendre traître”
ZAKUR “chien” ; SORGINDU
“(se) rendre sorcier”
SORGIN “sorcier”, etc.
|
Possessifs : |
“posséder”
; cf. bsq. ZALDUN “cavalier”
ZALDI “cheval” ; ARDIDUN
“propriétaire de brebis”, etc.
Lat. barbatus.
|
Réceptifs : |
“recevoir”
; cf. bsq. ABERAS-TU “(s)’enrichir”
; HURESTU “(s)arroser”
/HUR/HUL/ “eau” ; JABE-TU
“(s)’approprier
JABE “ maître de”.
|
Donatifs : |
“pourvoir
de“ ; cf. bsq. BIHOTZTUN
“généreux”
BIHOTZ “coeur”, etc.
|
Factitifs : |
IRAGARTI
“informé”, “celui à
qui on fait savoir”, etc.
|
La question mérite un approfondissement plus important,
ce qui précède ne faisant que signaler quelques
pistes d’analyse. |
|
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|
|
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