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DEUXIEME PARTIE
2 - Le VERBE indo-européen, essai de comparaison
avec les équivalents de l'Euskara

    2-A - DESINENCES PERSONNELLES DU VERBE
       • PERSONNE   • VOIX   • Les MORPHEMES   • IMPERATIF  • PARFAIT  • AUGMENT  • REDOUBLEMENT

    2-B - LES CATEGORIES VERBALES FLEXIONNELLES
       • La PERSONNE    • La VOIX    • L'ACTUALISATION    • L'IMPERATIF    • Le PARFAIT    • Le TEMPS

    2-C - LES CATEGORIES VERBALES INITIALEMENT DERIVATIONNELLES
       • L'OPTATIF    • Le SUBJONCTIF

    2-D - UNE CATEGORIE D'EXPRESSION DIVERSE : L'ASPECT
 
    2-E - COMMENT S'EST CONSTITUEE LA FLEXION VERBALEFLEXIONNELLES


Le verbe exprime, en grammaire traditionnelle, le procès :
L’existence du sujet,
L’état du sujet ou le passage d’un état à l’autre,
La relation entre l’attribut et le sujet.

Le verbe se distingue, en indo-européen, du nom par des affixes particuliers, les désinences personnelles.
Il utilise régulièrement des suffixes flexionnels.
Le nom n’utilise que la suffixation dérivationnelle.
Une des catégories du verbe, le temps, est masquée par la préfixation d’un augment.

A - DESINENCES PERSONNELLES DU VERBE

INDO-EUROPEEN
EUSKARA
    ETRE
Sing. 1 mi, m
  2 s
  3 t (ou zéro)
Pl. 1 men
  2 te
  3 si
    ETRE (préfixé) AVOIR (postposé)
Sing. 1 N T
  2 H K, N
  3 D zéro
Pl. 1 G GU
  2 Z ZU (ZUE) ZUTE
  3 DI TE
A.1 - LA PERSONNE

INDO-EUROPÉEN
EUSKARA
LA PERSONNE a un signifiant pronom postposé rappelant le pronom sujet déictique. LA PERSONNE a un signifiant pronom préfixé, sauf au présent du verbe “avoir” qui l’a postposé, et zéro à la 3ème personne de singulier.
A.2 - LA VOIX

INDO-EUROPÉEN
EUSKARA
LA VOIX, signifiant zéro pour l’actif, /*o/ pour le médio passif. LA VOIX (diathèse) :
• en fonction objet (passif et moyen) désinences personnelles préfixées.
• en fonction sujet, comme ci-dessus, préfixées pour les intransitifs, suffixées au présent des transitifs.
 
A.3 - LES MORPHEMES

INDO-EUROPÉEN
EUSKARA
UN MORPHEME :
/*-i / en désinences primaires “actualisantes”,
zéro en désinences secondaires,
/*-i / à l’actif impératif.
MORPHEME /*-i/ figé sur l’infinitif radical (actuel) à sens participe passé (survivance d’une ancienne grammaire), à l’actif et au médio passif, pour la classe des verbes en /-i/,

Zéro à l’actif des autres verbes à l’infinitif
  radical et au médio passif de la classe des
  verbes en /-n/,

• /-TU/ sur l’infinitif radical au passif moyen et
  actif, la diathèse est prise en charge par les
  auxiliaires :
  ⊲ être et assimilés (passif, moyen)
  ⊲ avoir (actif)
pour une partie des verbes.

• /*-i/ sur actif moyen, impératif (JAR-HADI
  “assieds-toi”, ETHOR-BEDI “qu’il vienne”, au
  subjonctif, au complétif : DADI-EN, DADI-LA
 
A.4 - L'IMPERATIF

INDO-EUROPÉEN
EUSKARA
L’IMPERATIF, signifiant /*-u/. À L’IMPERATIF :
  Radical nu : JAN “manger !”
  /-TU/, flexion additionnée au radical,
  impersonnel comme le radical nu :
  HANDI-TU “grandir !” dialectes occidentaux.
 
A.5 - LE PARFAIT

INDO-EUROPÉEN
EUSKARA
LE PARFAIT, signifiant /-e/. LE PARFAIT, deux signifiants :
• /-a/ postposé à l’infinitif radical : JANA DUT
  “j’ai mangé”
• /-ik/ : JANIK NAIZ “je suis ayant fini de
  manger” et même JANIKAN “après avoir
  fini de manger”.
 
A.6 - L'AUGMENT

INDO-EUROPÉEN
EUSKARA
L’AUGMENT, préfixe /e/ compatible seulement avec les désinences secondaires. L’AUGMENT : /EN/E/I/ n’est pas analysé comme tel par les grammairiens : il est facultatif chez les locuteurs “vieux basques” ; il est figé et affecte les formes à désinences primaires aussi bien que secondaires. Survivance d’une ancienne grammaire :

I-GURTZI “oindre”, E-HORTZI “enterrer”, N-ENTZADEN “j’étais”, E-BILI “circuler” et N-ENBILEN “je circulais”.
 
A.7 - LE REDOUBLEMENT

INDO-EUROPÉEN
EUSKARA
LE REDOUBLEMENT : se retrouve au présent, à l’aoriste et au parfait, dans certaines formations, et sous une forme différente, à l’intensif où c’est un vestige d’une ancienne répétition de la forme. LE REDOUBLEMENT existe sur quelques
formes :
• LILIRIKA(N) “rempli à ras bord”, reproduit
  exactement certains parfaits grecs.
• KUNKURTU “(se) vousser, (se) recourber”.
• GOGORTU “(s)’endurcir”.
• DIRDIRATU “scintiller, illuminer”.
• DARDARTU “trembler”.
• LILURATU “(s)’illusionner, (s)’éblouir”.
• KIKILDU “(s)’abaisser, (se) courber”, “cramer”.
• KIZKORTU “(se) racornir”, etc.
 
B - LES CATEGORIES VERBALES FLEXIONNELLES

B.1 - LA PERSONNE

INDO-EUROPÉEN
EUSKARA
LA PERSONNE : la flexion distingue neuf personnes dans les langues qui n’ont pas perdu ou réduit le duel. Le nombre des signifiants personnels reconstruits étant supérieur, on suppose que l’indo-européen a possédé un système personnel plus complexe, distinguant, par exemple, des personnes inclusives et des personnes exclusives. LA PERSONNE : on distingue les six personnes deux fois, en :
  fonction sujet : six
  fonction patient : six
  fonction bénéficiaire (datif) : six
    2ème /DAUK/ DEAT/DAUN/ /DAUNAT/
    3ème /IO/
    4ème /KU/
    5ème /ZIE/
    6ème /IE/
et dans l’allocutif, qui inclut
les cinq allocutaires :
  la 2ème personne du singulier :
    masculin : deux /K/A/
    féminin : deux /N/NA/
  la 2ème personne du pluriel : /ZUE/

soit au total vingt trois signifiants personnels.
 
B.2 - LA VOIX

INDO-EUROPÉEN
EUSKARA
LA VOIX :
un actif non marqué,
un médio passif marqué /*-o/ et ses allomorphes, combiné avec la marque personnelle.
Le contenu notionnel de ces deux voix est très complexe et variable : six valeurs de médio passif :
1) Moyen “dynamique”, gr. ἔφατο = ἔφη “il dit”,
2) Moyen réfléchi, gr. λούομαι “je me lave”,
3) Moyen réciproque, gr. μάχεσθαι “se battre”,
4) Moyen à sujet bénéficiaire, gr. θύεσθαι, véd. yájate “sacrifier pour soi”,
5) Moyen à sujet “receveur”, gr. μισθοῦσθαι “recevoir un salaire”,
6) Passif, véd. stávate “il est loué” en face de stáuti “il loue”.

 
LA VOIX : la grammaire de P. LAFITTE en distingue cinq :
“voix nominative” : NAGO “je reste” /N/
    = sujet absolutif, NU “(il) m’a” /N/ = objet.
    Il vaudrait mieux parler de voix absolutive
    active.
“voix dative” : NAGOKO “je lui reste”,
    DAUZKIT “il me les a” ;
“voix active” : NUTE “ils m’ont”, DERAMATE
    “ils l’amènent” ;
“voix active dative” : DAUZKIDATE “ils me
    les ont”, où trois participants au procès
    sont inclus ;
“voix dative éthique” ou allocutive :
    EDERRAK ERRAN DIZKIETZUT “je leur
    en ai dit de belles (remontrances)”; quatre
    participants inclus dans le verbe ;

Mais les voix équivalentes au contenu notionnel des voix de l’indo-européen fonctionnent également :
1) Moyen “dynamique” : DIO “il dit, dit-il”,
    ZIOTEN “dirent-ils” ;
2) Moyen réfléchi : IKUZTEN NAIZ “je me lave”,
    est rendu par l’infinitif gérondif + le verbe
    être = “je suis me lavant” pour le présent ;
3) Moyen réciproque: AHARRATU DIRA “ils
    se sont querellés”, rendu par l’infinitif
    possessif passif (barbātus, amātus) + le verbe
    être = “querellé(s) ils (se) sont” ;
    Ou ELGAR XEHAKI DUTE “ils (se) sont
    anéantis réciproquement”, rendu par infinitif
    parfait + verbe avoir et patient ELGAR
    “réciprocité” ;
4) Moyen à sujet bénéficiaire: BAZKARI HUN
    BAT EGINA NAIZ
“je me suis fait un bon
    repas”, rendu par l’auxiliaire être auxiliant un
    transitif EGIN au parfait EGIN-A ;
5) Moyen à sujet “receveur”: SARISTTU NAUTE
    “ils m’ont payé”, rendu par l’infinitif possessif
    passif (barbātus, amātus) et désinence de
    1ère personne en fonction objet sur verbe
    avoir ;
6) Passif proprement dit : ATXILOTUA DA “il a
    été arrêté”, infinitif parfait + verbe être.


Le sens général de l’évolution diachronique va des valeurs pleines aux valeurs vides.

a) LES ETAPES DU MEDIO PASSIF
(cf. J. HAUDRY pour l’indo-européen reconstruit)

d’un dénominatif “réceptif” : je suis récompensé,
qui serait passé à la valeur passive, comme l’adjectif en /*-to/ dérivé dénominal possessif (lat. barbātus “pourvu de barbe”) devenu participe passif (lat. amātus)
au réfléchi
et au réciproque
dans quelques cas, il aurait perdu sa valeur propre, d’où le moyen dynamique ou déponent, exemple bsq EDAN actif “boire” EDANA participe passé à double orientation possible :
1) avec verbe être “bu est (le vin)”
2) avec verbe avoir “bu il a (le vin)”

Et, enfin, EDANA DA “il est ivre” = fr. local “il est bu”, il est “passé”, soit = “il a franchi un certain seuil”.

EMAN “donner” EMANA “donné”, mais aussi “reçu” parce que le sujet donateur est implicite (syntaxe ergative) :
ZER LEPOKO POLLITA ! ZENBATETAN ? “Ce joli collier ! À combien?”
EMANA “reçu”, URTEBETEKARI “pour (mon) anniversaire” (dialogue relevé en 2006).



b) LA CONSTITUTION DE L’ACTIF
(cf. J. HAUDRY pour l’indo-européen reconstruit)

Un “donatif” (un dénominatif signifiant “pourvoir de”, type lat. clipeāre “pouvoir d’un bouclier”) a fourni l’actif. bsq. (S) BORDALTÜ “pourvoir d’une métaierie” actif : “marier” un fils ou une fille, actif ; et avec auxiliaire être BORDALTZEN NAIZ “je me marie”, “se marier”, médio passif.

Un même genre de couple en indo-européen formé par l’actif de la racine /*deh3-/ “donner” et son médio passif “recevoir”, “prendre” (hitt. -, véd. ā́-dā médio passif).
Un dénominatif essif peut servir à constituer l’actif i.-e., “être tel” : il se constitue alors un donatif à partir de diverses formations dérivationnelles, l’infixe /*-n/ et les suffixes qui en sont issus, /*-new/, /*neH2 /, le suffixe (d’itératif intensif) /*-éye/-c/ (lat. monēre “appeler l’attention sur, avertir” de /*men/ “penser” au degré /o/ + le causatif /-eyō/; et lat. sopīre “endormir” de /*swep-/ véd. svápan “dormant” au degré /o/ + le causatif /-eyō/). Ce donatif est devenu le causatif. C’est ainsi que du védique nom-racine vŕdh- “accroissement”
on a :
1) un actif essif várdhati “il est un accroissement”
2) un médio passif réceptif várdhate “il reçoit un accroissement”
3) un causatif donatif vardháyati “il donne un accroissement”

Bsq. HAPAN DA “il est essoufflé”, “il est en respiration”;
HAPATU DA “il est devenu soufflant”;
HAPATU-ERAZI DA “on l’a fait haleter, souffler”, en pratique HAPAKAAZI (dialectal) = “faire trotter le troupeau” par temps chaud, afin d’observer, au repos qui suit, la respiration des bêtes, pour détecter les premiers symptômes du “TRAPA” = “bylose pulmonaire” : l’expiration marque deux saccades, si positif. (Voir lexique HAPA).
 
B.3 - L'ACTUALISATION

C’est l’opération par laquelle tout concept est situé dans le temps et l’espace. Le verbe indo-européen ne localisait pas l’action verbale dans le temps. L’actualisation temporelle n’était alors qu’implicite, en dépendance du contexte.

INDO-EUROPÉEN
EUSKARA
Dans la plupart des langues où elle a subsisté, l’opposition entre désinences primaires et désinences secondaires ne comporte par elle-même aucune signification: gr. λύει “il délie” : ἔλυε “il délia”.
Le prétérit est marqué par l’augment ; les modes qui comportent les désinences secondaires sans l’augment (optatif) n’ont pas la valeur prétérit. Seuls le védique et le gâthique opposent à une forme à désinences primaires, véd. bhárati “il porte”, une forme à désinences secondaires sans augment, bhárat, distincte de la forme d’imparfait ábharat ; cette forme bhárat est dite “injonctif”, d’après l’un des emplois, et elle apparaît étrangère aux oppostions temporelles et modales, elle “mentionne” (K. HOFFMANN, Der injunktiv im veda, Heidelberg, 1967) le procès avec la seule indication de l’aspect (contenue dans le thème).
Pour cette raison, on estime que la forme à désinences primaires étaient “actualisées” et que par conséquent le morphe /*-i / avait valeur “hic et nunc”. Analyse confirmée par A. MARTINET, Évolution des langues, 94 : « le temps qui est historiquement celui du passé –sous sa forme durative, l’imparfait, ou sa forme non durative, l’aoriste- était à l’origine une catégorie temporellement indifférenciée utilisable en référence à un fait passé, actuel ou à venir, et qu’il existait à côté de lui une forme permettant de replacer le fait dans l’instant et probablement dans le lieu même où avait lieu l’échange linguistique. Cette forme, qu’on pourrait appeler le présent hic et nunc, s’obtenait en faisant suivre la forme verbale de l’élément déictique /i/, c’est à dire le timbre vocalique qu’on retrouve constamment dans l’expression de ce qui est présent, aux deux sens spatial et temporel du terme : gr. οὗτος οὑτοσ et νῦν νυν-ι. » À l’origine le procès est perçu comme réalisé.
• Nombre de verbes basques sont suffixés /-i/: IKUSI, EHORTZI, IGURTZI, IKUZI, IXURI, AGERI, URDURI, GELDI, IZI, XURI, IGORRI, IBILI..., etc. Ces “infinitifs radicaux” reçoivent des flexions du futur /-REN/-KO/, de datif /AR(I)/, de gérondif /-EN/, etc., que l’auxiliaire complète pour exprimer passé, éventuel, optatif, etc.
Ce suffixe /-I/ est perçu comme une voyelle thématique conférant la rection verbale à un radical quelconque, mais aussi comme marqueur de procès réalisé.

•“L’injonctif” s’exprime volontiers sans ce suffixe /-I/ : IKUS, IKUZ, ETHOR,... etc., sans indication de temps, de mode, d’aspect ou de personne. C’est la forme du radical verbal pur. Avec le suffixe /-I/ ou /-TU/, l’injonctif basque se situe entre l’idée de “mention du procès”, comme le védique (K. HOFFMANN), et l’impératif ou ordre suggéré, forme souvent recherchée par la rhétorique des locuteurs.

• L’augment existe en basque formellement, mais n’est plus perçu ni analysé comme tel par les locuteurs contemporains. Beaucoup “d’infinitifs radicaux” en sont pourvus : EMAN, EGON, EKEN, EREIN, IXUR, IGOR... etc., mais facultativement prononcé par les “vieux basques” pour certains verbes : ZAGUN, XURTZEN, KEN, etc...
Il est fonctionnel dans les auxiliaires: N-IN-TZADEN, G-ENDUZTEN, Z-ENDUEN ET LES VERBES A CONJUGAISON SYNTHETIQUE : N-EN-GOEN, N-ENBILEN, N-ENTHORREN, N-ENKARREN, etc. Il semble équivaloir à un adverbe de temps “alors”.
La grammaire historique de la langue reste à élucider.
 
B.4 - L'IMPERATIF

Ordre ou interdiction exprimé à un ou plusieurs interlocuteurs.

INDO-EUROPÉEN
EUSKARA
/*-(t)u/ :
désinence distincte seulement à l’actif et à la 3ème personne du singulier.

À la deuxième personne du pluriel, l’impératif est identique à la forme d’injonctif, c’est à dire avec suffixe /-i /.

La 3ème personne du singulier impératif de l’indo-européen serait une forme d’injonctif suivie d’une particule d’insistance /*u/.

2ème PERSONNE :
La forme ἴσθι (ἴ-σ-θι), impératif de
gr. ειμι “sois”, présente –selon les grammairiens J. ALLARD et E. FEUILLATRE, 65- la racine au degré zéro précédée d’une voyelle prothétique [?]. /-θι/ serait une ancienne particule.

3ème PERSONNE :
Gr. /-τω/ (tō), impératif futur lat.
/-/, ancienne particule aussi.

4ème PERSONNE :
Gr. /-τε/ (te) comme dans le basque.

 
Les radicaux nus ou suffixés /-I/-TU/, les mêmes qu’à l’injonctif, mais soit avec auxiliaire être (transitif), avoir (intransitif), soit sans auxiliaire mais avec particule d’appui qui assimile impératif et injonctif “mentionnant”: ASE HOR ! “saturer alors !”, GELDI HARREN ! “arrêter donc !”

VERBES ETRE, INTRANSITIFS ET MEDIO PASSIFS
Les verbes “forts” (défectifs) ayant le mode impératif et intransitifs ont le suffixe du verbe ETRE : /-DI/-θι/ (gr. ἴσθι (isthi) “sois” et les médio-passifs στεθι (stethi) “place-toi”, δῦθι (duthi) “enfonce-toi”) à la 2ème personne du singulier : ZAODI (Z-AO-DI) “viens” et les auxiliaires ETRE auxiliant la quasi totalité des verbes intransitifs/médio passifs :

HADI de 2ème personne du singulier : HAZ HADI
    “alimente-toi”// gr. ἔσθι “mange” ; /H/, désinence de
    2ème personne, + /A/ “être” de /AR-/ + /-DI/ suffixe
    d’impératif.
BEDI impersonnel de 3ème personne : ETHOR BEDI
    “que vienne”, “qu’il vienne”, JUAN BEDI “qu’il s’en
    aille”, EROR BEDI “qu’il (se) tombe” médio passif.

Cette désinence /-DI/ se retrouve à toutes les personnes du subjonctif présent du verbe ETRE /AR-/, suivie de la conjonction de subordination postposée /-AN/-EN/ (gr. /ἄν-/ antéposé), existant aussi, semble-t-il en emploi anté-positionnel indépendant dans les propositions subordonnées interrogatives : EAN (HEI-AN) BADENEZ “
(il demande) s’il y a”//gr. ἔᾱ́ν εἰ ἄν et ἤν “si”, grec classique et moderne, Chtr. 307.

Les 4ème et 5ème personnes ont les formes de l’indicatif, la 6ème de même, mais avec auxiliaire /BEU/ (pluriel) préfixé, /BE/ ou suffixés par le complétif : GAUDELA, ZAGOZTELA, DAGOZTELA ; ou le subjontif GADIEN, ZADIEN, DAIZ/DIEN. Ces formes sont confondues souvent, en tous cas doublése, par les formes sur-auxiliées GAI-TEZEN ï G-ADIEN-IZAN G-AITEN-IZAN), ZA-IZTEZEN, DA-IZTEZEN. Ce qui résulte de “l’usure” des formes ou de leur complexité, source d’hésitation chez les locuteurs, toujours portés vers les formes actuellement plus explicites.
    Phénomène constaté dans toutes les langues. Il est aussi possible d’y voir des aoristes “sigmatiques” dont la sifflante semble bien être le verbe d’existence de bsq. IZ-AN, gr. ἐσ-μι. Voir infra.

AUXILIAIRE AVOIR ET VERBES TRANSITIFS ont deux formes de désinences d’impératif :
1º pour la 2ème personne du singulier /-AK/AN/ : HAR-AK,
    JAN-AK “prends”, “mange”; 4ème et 5ème /A/ :
    /AGUN/AZU/, c’est le radical nu du verbe AVOIR UKAN
   
avec désinences pronominales. C’est régulier (cf supra).
2º pour toutes les personnes /EZA/ *U-EZA : verbe
    AVOIR auxilié du verbe ETRE IZAN. Cette formule
    servant pour le subjonctif à tous les temps, le potentiel,
    l’éventuel, l’optatif des transitifs.
    Cette forme évoque également les impératifs aoriste
    actifs du grec. 2ème personne du singulier λῦσον
    (luson) “délie”, 3ème personne du singulier λυςάτω
    (lusatō) “qu’il délie”, 5ème (2ème personne du pluriel)
    λύσατε (lusate) “déliez”, 6ème (3ème personne du
    pluriel) λυςάτων (lusatōn) “qu’ils délient” :
    Bsq. 1ère EZAT, 2ème EZAK/N, 3ème EZA,
    4ème EZAGUN, 5ème EZAZUE/TE, 6ème EZATE.

 
B.5 - LE PARFAIT

Flexion verbale qui exprime le procès accompli. C’est une forme de l’aspect indiquant le rapport au sujet de l’énonciation, le résultat d’une action faite antérieurement.

INDO-EUROPÉEN
EUSKARA
• Le parfait est caractérisé par ses désinences et par son thème : à l’alternance vocalique /*o/ et ton radical, et vocalisme zéro et ton désinentiel.

Sa valeur va de la voix à l’aspect et au temps. Souvent le parfait forme couple avec le présent médio passif : gr. πέποιθα (pepoitha) “je suis convaincu, j’ai la conviction” fait couple avec πέποιθα (peithomai) “je me laisse convaincre, j’acquiers la conviction”.

• C’est probablement la valeur la plus ancienne, celle d’un possessif, en face du présent réceptif.
Chtr. 869: « La racine présumée de ce mot serait /*bheidh/ étayée sur lat. fīdō » /*bhidh-to/BITTU ! de Gonzal MENDIBIL “écoute !”

 

 

 

 

• Il y a aussi des parfaits exprimant l’état réalisé, l’action achevée, ce qui nous renvoie à la catégorie de l’aspect.

Ces parfaits évoluent en prétérits et entrent dans la catégorie du temps.

Cf. le renouvellement de cette évolution du latin au français : syntagme possessif lat. habeō positum ð prétérit fr. j’ai posé, en passant par un parfait : je posai calqué sur lat. posuī.

Les formes de parfait de la langue sont analysées en général comme des participes passés, étant donné le système nominalisé du verbe, et le caractère d’adjectifs verbaux de la plupart des radicaux nus : les flexions étant partagées entre le radical et l’auxiliaire, ce qui confère une souplesse et une régularité remarquable à la conjugaison.
La nominalité de formes a permis de conserver d’anciennes flexions figées de formes grammaticales révolues, dont les parfaits.
Au gr. πέποιθα (pepoitha) correspond, sans redoublement :

BEHATUA, (B) BITTUA ï BEGIRATUA “qui
a été observé” ou/et ï BEHATUA “écouté” (BE-ARR-I = lat. auris “oreille”, /*aus-/ et /*out-/, gr. ὠτός et bsq. OTH-OI ! “écoute !”).
    BEHATUA “qui a été écouté, observé, attendu”, cf. BERANDU “s’attarder” ï BEIRANDU “qui a attendu, qui est demeuré en attente”, cf. got. beidan = gr. προσδοκαν “attendre”. Cf. Bvn., Institution i.-e., 1, 115-121.
    BEHATUA signifie aussi “faire confiance, croire”, nous retrouvons donc le sens de “être convaincu” qui correspond à gr. πέποιθα (peithomai).

BEHATU (NAGO) “je suis attentif”, plus commun dans les dialectes orientaux ; BEHATZEN (NAIZ), BEHAN(NAGO) “je suis écoutant, j’écoute, je me laisse convaincre”.

Deux expressions dans l’euskera pour dire le parfait d’action achevée :
    • DEITZIA-DUT “je l’ai traite (la vache)” ;
    • DEITZRIK(AN) DUT “j’ai fini de traire”, qui
    rappelle formellement les parfaits grecs.

Mais DEITZI NUEN “je la trayai”, parfait, opposé à DEIZTEN NUEN “je la trayais”, imparfait.
 
B.6 - LE TEMPS

Si le “je” et “maintenant” (signifiant l’ici et l’actuel) correspond au "point-instant" de l'espace et du temps, l’axe temporel sera divisé en trois espaces : passé, présent, futur ou temps absolus. On a également le point de vue de la simultanéité, antériorité et postériorité ou temps relatifs.

INDO-EUROPÉEN
EUSKARA
Cette catégorie est limitée au mode indicatif. Elle comporte trois degrés chronologiques :

le présent, non marqué,
le prétérit marqué par l’augment
le futur, exprimé par un suffixe dit de subjonctif (prospectif).

C’est une forme initialement dérivationnelle et dont la valeur n’est pas uniquement temporelle à l’origine.
Le temps porte les marques à l’indicatif, au subjonctif, à l’impératif, au potentiel, éventuel et optatif.

Présent : NOA ”je vais”, DABIL “il va” ;
Prétérit avec augment : N’EN(D)OA-N “je
    m’en allais”, N’EN-BIL-EN “je circulais” ;
Futur à désinence de génitif : ETHORRIKO
    “(je) viendrai”, EGIN-EN “(je) ferai”.

On voit le mécanisme du syntagme devenant dérivation: “Moi-alors-aller-alors = je m’en allais” = NINDOAN.

Il semble bien qu’augment et désinence de prétérit sont une seule et même chose : adverbe de temps originellement.
 
C - LES CATEGORIES VERBALES INITIALEMENT DERIVATIONNELLES

C.1 - L’OPTATIF

Comme on vient de le suggérer avec l’interprétation de l’augment, des suffixes divers sont intervenus pour donner des modes qui furent d’abord dérivationnels.

INDO-EUROPÉEN
EUSKARA
L’OPTATIF a été réalisé par la suffixation de /*yeH1-/*iH1-/ et de /*-yo-/. Il reflète le thème correspondant de l’indicatif.

 

 


• Le contenu de l’optatif est essentiellement modal : souhait, hypothèse, regret, etc. Le sens suggère un rapprochement avec la racine indo-iranienne /*-/*ī-/ “implorer”, si elle repose bien sur/*yeH1-/*iH1-/.
L’OPTATIF se présente comme un indicatif préfixé : /BAI/ + /L-/ /(B)EI/AI/ + /AHAL/ “pouvoir” ou /LEI/ “vouloir” : “s’il pouvait/voulait” ⇒ /BAL-/.
BALOA “s’il s’en allait”.
BALITZ “s’il était”.
BAGENGU “si nous avions” et BALINBAGENGU (contamination de BALDIN et de /BAI-AHAL/ + /IN/ !)

• Le contenu de l’optatif,
  ⊲ au présent (irréel), est souhait, hypothèse,
  ⊲ et au prétérit, regret.
   
C.2 - LE SUBJONCTIF

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DES SUBJONCTIFS sont issus d’une dérivation primaire : véd. kárat(i) en face du présent kr̥nóti “il fait”.
• La valeur du subjonctif est prospective, comme celle du datif. Elle s’étend du mode (éventuel, potentiel, etc.) au temps (futur).
  ⊲ Il est devenu futur en latin,
  ⊲ Un mode en grec et en sanskrit, où s’est
    développé un nouveau futur.
LE SUBJONCTIF est formé d’une base d’indicatif suffixée /DI/ qui semble être une désinence primaire (présente dans les 2ème et 3ème personnes de l’impératif) et /-I/ tout seul : NAHIZ HOAIEN SPANIATIK URRUN “bien que tu t’en ailles loin de l’Espagne”. Cette forme rappelle celle des subjonctifs grecs : ᾖς (ēis) “que tu sois”, ποιῃ̑ς (poiēis) “que tu fasses” τιθῃ̑ (tithēi) “qu’il pose”.
 
D - UNE CATEGORIE D’EXPRESSION DIVERSE : L’ASPECT

L’aspect exprime la représentation que se fait le sujet du procès signifié par le verbe : durée, déroulement, achèvement (aspects inchoatif, progressif, résultatif, etc.).

INDO-EUROPEEN
EUSKARA
L’ASPECT appartient à la flexion.
À tout thème de présent s’oppose un thème d’aoriste exprimant le même procès sans considération de durée.

 

 

 


Mais certaines racines fournissent un thème d’aoriste sans avoir besoin d’affixes, par exemple
/*steH2-/ “se tenir debout” aoriste /*steH2-t/.
D’autre thèmes dans les mêmes conditions donnent un thème de présent: /*es-/ “être” /*es-ti/ “il est”. On pense donc que l’aspect est à l’origine inhérente à la racine. Elle ne serait devenue grammaticale que là où l’on a maintenu (ou créé) l’aoriste : grec, slave et l’indo-iranien.
IKUSI IZANA “le fait d’avoir vu” dit le basque actuel, soit l’idée verbale pure. C’est de l’aoriste ; mais les deux éléments sont déjà marqués : I-KUS-I “voir”, formellement un aoriste archaïque analysé “participe passé” et IZANA “été”, parfait du verbe être IZAN.
Cependant, le contenu de IKUSI IZANA est l’idée verbale sans considération de temps.
Synthétisé, on a : EGOITZ EGON “demeurer” et sens “séjour”, EMAITZ EMAN “donner” et sens “don”, etc.
 
• Des racines fournissent le thème d’aoriste sans suffixe : /ZUT/*steH2-/ “dressé, raide”, ZUTA “qui est dressé” ZUTIK “debout”, mais c’est un parfait senti présent.

• Des thèmes sans suffixes fournissent des présents. DAZ/D-ATZ “il est” : /D-/ pronom, /T/ de /TZ/, phonétique. DAZ “est”.
 
E - COMMENT S’EST CONSTITUEE LA FLEXION VERBALE

    À l’origine, le radical verbal nu, c’est-à-dire la racine et la voyelle thématique” (e/o), reçoit un “supplément” lexical qui s’y agglutine et qui n’est pas susceptible, en principe, d’un emploi indépendant : préfixes, infixes, suffixes. Les préfixes peuvent correspondre à des formes ayant une autonomie lexicale : fr. contredire ou bienfaisant ; et par conséquent, la formation par préfixe est plus proche de la composition que la dérivation.
    La préfixation n’entraîne pas de changement de catégorie grammaticale de l’unité considérée.
    Mais la suffixation permet le changement de catégorie grammaticale : fr. noir noirceur, noircir, etc.
    Dans le cas du verbe, qui semble à l’origine une unité lexicale que rien ne distingue du nom, on a une racine à l’état II (réduit) dotée d’un suffixe et d’un seul élément additionnel ou élargissement. C’est le cas des verbes indo-européens. E. BENVENISTE, Origines, 147 et sq. Un thème à l’état I (plein) ne peut recevoir qu’un suffixe et pas d’élargissement. Exemple bsq. /PAR/ “niveau, mesure” PAR-KA est un thème verbal par le /-KA/, suffixe à valeur d’itération, d’action répétée : donc, un thème I + un suffixe : sens “(qui est) après (sa) mesure”, “en réclamation, quête de (son) niveau”. D’où les traductions données par AZKUE “caprice”, et LHANDE “face, front”, déduites de l’expression PARREZ-PAR “face à face”. Le lat. pār, pāris “égal, pareil” rend assez bien le contenu du concept. Pour ce qui est de la forme de bsq. PAR-KA, si on veut l’utiliser comme verbe, il faudra des auxiliaires pouvant recevoir des flexions ; PAR-KA ne peut recevoir de nouveaux “suffixes”, mais des termes de composition seulement. Comme des milliers de verbes basques, n’importe quelle base pouvant servir à faire un verbe, mais de cette façon là seulement. La langue n’a que très peu de thèmes II : tout semble se passer comme si à l’origine il n’y avait que ce type d’expression pour désigner le procès. Exemple HAPA, onomatopée pour signifier “la respiration rythmique des animaux, du sommeil, du mourant” (absent de Lh ; Azk., HAPAKA : 1) “baisant” ; 2) “essoufflement” du « mouvement de la bouche du poisson sorti de l’eau ») : /HAPA/ avec le suffixe /-N/ HAPA-N “mouvement visible, rendu visible de la respiration”, /-N/ est une désinence d’inessif “en souffle”.
    On retrouve les “pièces” de la forme /PAR-/, th. I, + /KA/, dans lat. th. II /*pr-ék-/ « racine au degré zéro, le suffixe est plein », E. BENVENISTE, Origines, 153 : « Si un nouvel élément s’y ajoutait, il sera donc au degré zéro, donc élargissement : /*pr-ek-s-/. Or que se produira-t-il à l’état I ? La racine étant au degré plein, se fera suivre d’un suffixe au degré zéro : /*per-k-/ ; mais on ne pourra pas y ajouter un second élément, ni au degré zéro (élargissement), puisque deux éléments consécutifs au degré zéro sont exclus dans une même tranche morphologique, ni au degré plein, puisqu’un seul des trois éléments doit prendre le degré plein et que la racine le possède déjà. »
Lat. prex “prière” poscere “demander” des dérivés et composés de postulō (pos + tus + lo + o-o) : postiliō, -onis terme de rituel “réclamation faite (ou victime réclamée) par un dieu à propos d’une omission ou d’une négligence” postularia fulgura « éclairs lancés par les dieux pour réclamer contre une omission » A. MEILLET, 525.

    De la forme de bsq. HAPA-N gr. Ὑπνος (hupnos) “Sommeil”, frère de Θανατος (Thanatos) “la Mort” (Hom.), lat. somnus “sommeil”, skr. svapan “dormant”, optatif supyāt ; un présent svápiti et svapati “il dort” ; v. angl. swébban “endormir, tuer”. On voit à partir d’un nom (fléchi en bsq.) se constituer des verbes dans les dialectes i.-e. : lat. somniō “rêver”, gr. ὕπνω̨... (hupnōi), lat. sōpīre et sopōrō, sopēscō, obsopēscō, etc. Hypothèse invérifiable actuellement.

    Ce qu’aujourd’hui nous appelons des flexions verbales ne sont d’abord que des dérivations, lesquelles furent souvent des unités lexicales de composition, avant d’être perçues des suffixes dérivationnels. Le lat. postulō offre un modèle de ce mécanisme : /pos-/ /preks/ /par-k-s-/ [bsq. /PAR/ + /-KA/ + /Z/ instrumental] + /tus/ i.-e. /*-to/ suffixe /*-et-/ (supra Nº 12) de contenu “possessif”, cf. barbātus, + /lo/ suffixe agentif λῶ, λῆν “désirer”, + /o/ “je”.

    Nous avons vu supra la formation des désinences personnelles des verbes à l’actif, pour le basque, à l’actif et au passif (désinences pronominales, en fonction patient). Nous n’aborderons guère ici le détail des médio-passifs, des /*w(-)/ du parfait i.-e., le /*-r-/ de troisième personne de parfait et de l’optatif (lat. fēcerunt), le /*-r(-)/ de médio passif de plusieurs dialectes (lat. amor “je suis aimé”). Il s’agit toujours, à l’origine, de dérivations.
L’augment retiendra notre attention, pour la raison qu’il est méconnu par les analystes de la langue basque, et pour en illustrer la réalité.
POUR L’INDO-EUROPEEN : J. HAUDRY, op. cit. p. 78:
« C’est une ancienne particule de phrase, comparable pour la valeur au hittite /nu/ “et puis”, “alors”, et superposable étymologiquement au /a/ louvite, qui a la même valeur que hitt. /nu/ , tout comme la particule /no-/ préfixée à l’imparfait du vieil irlandais et superposable au hittite /nu/. » C’est un préfixe.
POUR L’EUSKERA : l’augment, encore fonctionnel, a la forme /-EN/-IN/, il est préfixé et se retrouve une deuxième fois en suffixe –désinence secondaire sur la même forme verbale, faisant office d’intensité, comme les redoublements des parfaits grecs ou des présents tirés des formes aoristiques, gignoscō, didōmi, etc.
G. ARESTI, poète : « ATZO ASPERTU NINTZAD-EN MAIXUEZ ETA ESKOLEZ » ; NINTZAD-EN pour NENNTZAR-EN : “hier je m’étais ennuyé des maîtres et des études”. La forme d’ARESTI est proche de la forme sans doute archaïque : /N/ “je” + /EN/ “alors” + /(T)ZAREN/ = verbe être /AR-/ auxilié par le verbe être IZAN avec amalgame de morphèmes et réductions vocaliques, + /EN/ désinence secondaire (gr. ἔλυον = éluon). Il y a une variante souletine ENE GAZTE LAGÜNAK HAN BEITZIRADIAN “car mes camarades jeunes y étaient”, chant “Salbadore gora da”. /EN/ apparaît en double au verbe être aux 1ère, 2ème, 4ème et 5ème personnes. Seule la “désinence secondaire” apparaît aux 4ème et 6ème personnes ; au médio passif aux 1ère, 2ème, 4ème et 5ème. De même dans les verbes synthétiques. Le grec l’a en préfixé, mais en “désinence secondaire” il n’apparaît qu’à la première personne de l’imparfait (ἔλυον = éluon), peut-être masqué ou élidé par les désinences personnelles postposées aux autres personnes, et en préfixation à toutes les personnes, comme augment.
Beaucoup de verbes basques sont des aoristes formellement et, indéniablement au vu de leurs correspondants, par exemple en grec. Les flexions, sensées s’adjoindre au radical nu, viennent s’ajouter à la forme complexe de l’aoriste, en général une base déjà auxiliée et pourvue de l’augment. En i.-e., les aoristes ont souvent précédé les présents. Bsq. IGURTZI : Azk. “frotter, essuyer”, “supporter”. Décomposable en I-GUR-TZI : la racine thème I doit être /-GUR/ (cf. GUR-I “beurre, crème de lait”, GORI-GIRI “jument prête à la monte” de /GOR-A/ “haut”) + /TZI/ auxiliaire être avec désinence primaire /I/. Cf. gr. ἔχρῖσα (ekhrisa) de χρίω (khriō) “frotter, oindre, enduire, thème II, (Hom., ion.-att., etc.) χριστος (khristos) “l’oint”. Chtr. 1277: « hors du grec, pas de rapprochement précis : lit. gr(i)y°ù (griēti) “écrémer le lait”. »
On peut noter l’analogie des formes entre les parfaits latins vexi, coxi, vixi... et les formes basques aoristiques : EGOTZI, EHORTZI, EGOSI, EGOSKI, etc., qui répondent formellement aux aoristes sigmatiques grecs.
Bsq. E(H)ORTZI “enterrer” E-OR-TZI : racine probable /(H)OR-/UR-/ ; soit augment /E/ + racine /OR/ + /TZ-I/ auxiliaire être, désinence primaire /-I/. Gr. ὀρύξαι (oruxai) aoriste du verbe ὀρύσσω (orussō) “creuser, faire un canal, déterrer, enterrer, arracher (les yeux, etc.) ”, Hom., ion.-att., etc. Pas d’étymologie chez Chtr. 829. Or cette racine bsq. /*OR-/UR-/ se retrouve dans AITZUR (un composé) “pioche”, URDE “porc”, (un dérivé) MUS-UR-KA “fouiller le sol avec le groin”, JORRARI “sarclette”... lat. runcō “sarcler”, lett. rūket “fouiller la terre”, celt. rucht “porc”, gr. tardif ὀρύα (orua) “pioche”.
Bsq. EGOSI “cuire” E-GO-SI : /E/ augment + /GOS/ racine “??” + /I/ désinence primaire. Cf. lat. parfait sans augment, coxī de coquō “cuire”, et gr. aoriste ἔπεψα (epepsa) du verbe πέσσω (pessō) “faire mûrir, faire cuire” et πέπων (pepōn) “mûri”, πεπονες (pepones) “mou, doux, gentil”. Cf. bsq. PAPUN “tendre”, “sein de la femme” “??” PAPO “poitrine”, “cèpe moelleux à large chapeau”. Le gr. pessō, peptos, popanom “gâteau de sacrifice” correspondrait à l’italo-celtique /*kwekwō/ lat. coquō coxī. Le bsq EGOSI pourrait être un emprunt au lat. coxī, mais l’euskera y aurait ajouté le préfixe /E-/ par analogie avec les autres formes pourvues aussi d’une voyelle préfixée, qu’il est convenu de dire prothétique, ce qui ne fait que vérifier notre ignorance quant à l’interprétation de la forme.
À la lumière des règles élaborées par E. BENVENISTE, op. cit., pour dégager la racine, et que ce savant a minutieusement vérifiées, nous pensons qu’un des éléments clé de déchiffrage des formes lexicales (verbales, nominales et autres) réside dans l’identification de contenu de divers “suffixes” qui furent, ou continuent d’être, dans certaines langues, des unités lexicales interprétables. Exemple du suffixe i.-e. : /*-et /*-to/ lat. /-tus/, gr. /-θ/ (*-thi), dit “possessif” : lat. barbātus “pourvu de barbe” et qui exprime, par glissement du sens plein au sens vide, le passif et le moyen, gr. χριστος “oint” (originellement “pourvu d’onguent” ?), bsq. /-TU/. Ce suffixe « joue dans la dérivation, préhistoriquement et historiquement, le rôle le plus considérable, mais probablement le moins bien connu » E. BENVENISTE, Origines, 188. « L’affixe /*dh-/ exprime l’état, spécialement l’état achevé », en formulation immédiate, précise-t-il, sur racine à valeur neutre ou intransitive. Il n’y aurait qu’une racine dont la forme en /*-dh-/ date de l’indo-européenne : /*mendh-/ (got. mundōn, gr. μαθεῖν- (mathein-, etc.) « appliquer son esprit, s’instruire ». Cf. lexique MIN. Skr. mandāthar- “homme réfléchi, pieux” ; avest. mazdra- “sensé, raisonnable” ; lit. mandras, mandrūs “réveillé”; v. isl. mądră “sage”, indiquent /*mand-/, i.-e. /mendh-/. « Toutes le formes, celles du grec, en particulier, reposent sur /mendh-/, avec un suffixe repris dans les formes nominales ion. μάτος (mathos), dor.-éol. μάθᾱ (matha), ion.-att. μάθησις (mathēsis), etc. La racine /*men-/ fournissant notoirement une conjugaison moyenne, on voit l’antiquité du suffixe /*-dh-/ qui s’y rattache dès l’indo-européen » E. BENVENISTE, Origines, 189. Cf. bsq. MAITE-MINDU, IKUS-MINDU, etc. L’auteur donne des exemples de verbes de sens moyen ou indiquant l’état :

ἄλθομαι (althomai) “être guéri, se guérir” racine /*al-/ de lat. alo “nourrir”, du sens originel de “croître, se fortifier”. Cf. bsq. ALA “pâture”, ALATU, actif et médio-passif :
1) faire pâturer” ; 2) “pâturer, s’alimenter” et ELI-KA-TU “alimenter” et “s’alimenter”.
γέγηθα, γέγηθα (gēthéō, gégētha) “se réjouir” en face de γαίω, γάνομαι (sans /*-dh-/) lat. gaudeō. Cf. bsq. JAI “fête” JAITU “fêter, célébrer” et “se mettre en fête, se sentir en joie”. E. BENVENISTE, Origines, 196 : « le suffixe /-θ/ tendrait, de par sa valeur intrinsèque, à s’unir aux verbes impersonnels, intransitifs ou d’état, et à convoyer une modalité voisine du médio-passif : état absolu, état réalisé, état déterminé, mais toujours état. »

L’euskera peut, peut-être, proposer une lecture de cette “valeur intrinsèque” de /*-dh-/ avec le participe complexe /-DUN/ servant de suffixe aux deux séries de signifiés :
1) possessif formel d’abord,
2) état effectif au final.

/-DUN/ /D/ pronom démonstratif et pronom personnel de troisième personne en fonction objet (idée de moyen et passif) + /U/ “avoir” + /AN/EN/ pronom anaphorique/conjonction de subordination (cf. fr. que). Sens : “l’ayant, pourvu de”. Il s’agit structurellement d’un médio passif dans la perspective du patient, et d’un transitif dans celle du sujet ergatif, ce qui est logique. Mais les applications en feront un signifiant ambigu : “il a la barbe” et “il est barbu”, lat. barbātus, bsq. BIZAR-DUN “ayant la barbe”. Bsq. IRABAZTUN “qui a (eu) le dessus, gagnant” et “gagneur, qui est gagneur”. JOSTUN “l’ayant cousu, tissé, etc.” (de JOS-I, lat. texō) et “couturier, qui est couturier”.
Comme les sonantes s’amuïssent en finale, on peut concevoir la forme /-tus/ du latin, dont le /-s/ serait la survivance de la désinence d’ergatif, comme répondant au /-DUN/ de l’euskera. Et nous avons là, peut-être, la clé de ce “suffixe” si important et de la confusion apparente de ses usages.
On doit pouvoir ranger de nombreux verbes i.-e. et bsq. dérivant de ce type de suffixation dans des :

Essifs : “être tel” ; cf. bsq. HANDI-TU “grand”, ERI-TU “rendu malade, malade”, etc.
“se comporter en” ; cf. bsq. ASTO-TU “(se) rendre furieux” ASTO “âne” ; ZAKUR-TU “(se) rendre traître” ZAKUR “chien” ; SORGINDU “(se) rendre sorcier” SORGIN “sorcier”, etc.
Possessifs : “posséder” ; cf. bsq. ZALDUN “cavalier” ZALDI “cheval” ; ARDIDUN “propriétaire de brebis”, etc. Lat. barbatus.
Réceptifs : “recevoir” ; cf. bsq. ABERAS-TU “(s)’enrichir” ; HURESTU “(s)arroser” /HUR/HUL/ “eau” ; JABE-TU “(s)’approprier JABE “ maître de”.
Donatifs : “pourvoir de“ ; cf. bsq. BIHOTZTUN “généreux” BIHOTZ “coeur”, etc.
Factitifs : IRAGARTI “informé”, “celui à qui on fait savoir”, etc.

La question mérite un approfondissement plus important, ce qui précède ne faisant que signaler quelques pistes d’analyse.